Le suicide prémédité de l’écrivain Heinrich von Kleist et de son égérie Henriette Vogel. Loin de tout sentimentalisme et d’une fraîcheur étonnante, une belle surprise.
Le 21 novembre 1811, près de Berlin, le grand écrivain Heinrich von Kleist et son égérie, Henriette Vogel (l’épouse d’un de ses amis), se rendent dans un bois situé au bord du petit lac Wannsee et se donnent la mort. Le film de Jessica Hausner décrit le cheminement d’Henriette et d’Heinrich vers le choix de ce suicide.
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Le sujet n’est pas banal : Kleist, atteint de mélancolie profonde, a décidé depuis plusieurs années de mourir, l’annonce publiquement mais, après avoir très jeune proposé cette fin à son cousin, il cherche une femme aimée et aimante qui partagerait ses préoccupations. Ce que décrit avec retenue et une sorte de fausse candeur Amour fou, c’est l’obstination d’un homme, la décision d’une femme, la rationalité avec laquelle ils vont mener à bien leur suicide, sans pathos, sans ces excès de sentimentalisme qu’on associe souvent en France au romantisme – et qui en sont l’exact opposé.
En usant d’une image hyper soignée, fort composée et très colorée (mais sans les excès en joliesse d’un autre très bon film sur un poète, Bright Star de Jane Campion), mais aussi de cadres très précis, la mise en scène de Jessica Hausner (Lourdes) se met à l’unisson de l’âme de ses personnages (portés par des acteurs sublimes), à la fois raides et d’une sensibilité exacerbée, fantasque.
L’ancienne collaboratrice de Michael Haneke – qui a sûrement vu La Marquise d’O… de Rohmer, adaptation de la nouvelle homonyme de Kleist – semble souvent se poster au bord du surplomb, de la moquerie facile. Mais jamais elle n’ôte la moindre parcelle de lucidité ou d’intelligence à Henriette et Heinrich : sous l’apparente folie, ils savent très bien ce qu’ils font.
Henriette se sait malade (sans doute d’un cancer), Heinrich sait que “rien ne peut (lui) convenir dans ce monde”. Le mari d’Henriette est une grande âme. Il essaiera de la faire guérir en faisant appel aux précurseurs de Freud, donc à la médecine la plus éclairée du début du XIXe siècle. Mais rien n’y fera.
Frais, constamment étonnant, sans cynisme mais parfois malicieux, cet Amour fou, présenté à Un certain regard à Cannes mais passé inaperçu, est une très belle surprise.
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