Un Canadien aux idées folles s’amuse à les coller dans tous les sens et fabrique des morceaux étranges, psychédéliques, pop et dansants. Airick Woodhead, alias Doldrums, signe un album neuf et obsédant.
Ses premiers maxis avaient déjà fait lever des sourcils interrogateurs. Puis une certitude avait pris corps dès le premier contact visuel et scénique avec cet alien attifé telle une impossible métaphore, sourire de diablotin aux lèvres, comme pour bien montrer son malin plaisir de concasseur de logique. Le Canadien Airick Woodhead allait, avec ses dédales incongrus et ses assauts soniques, nous transporter assez loin. “Quiconque connaît l’anxiété sait que la musique peut l’adoucir. Je ne sais pas si j’ai réussi, mais j’espère que ma musique peut offrir aux gens un peu de répit vis-à-vis de toutes les conneries qu’ils doivent gérer. Mettez vos écouteurs, et oubliez tous vos problèmes !”
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Tous nos problèmes ? Une grande partie, sans doute, avalée dans l’exploration méthodique, escapiste, obsessive du très bizarre premier album du garçon, Lesser Evil. Tous nos problèmes, sauf un : décrire précisément le terrain de jeu de Doldrums. “J’ai commencé en écrivant de la pop. Et bien que j’aie essayé d’explorer pas mal de concepts différents, je ne pense pas m’en être trop éloigné. Si ça sonne comme une pop un peu pervertie, tant mieux. Une chanson comme Anomaly traite de la confiance, du fait d’avoir la force de faire ce que l’on veut, d’être une personne ouverte, de s’opposer à ces gens qui se posent comme cool, dont la surface est lisse. À partir du moment où tu arrêtes d’essayer d’avoir un son léché ou facile à vendre, tu peux vraiment commencer à penser à ce que tu fais réellement. S’il y a un quelconque mantra que j’utilise désormais, c’est : abandonne. Se laisser totalement aller permet de se libérer suffisamment pour commencer les choses.”
Airick Woodhead s’abandonne apparemment beaucoup, sa liberté, donc, est totale : ce grand copain de Grimes, cet infatigable arpenteur de la très fertile et novatrice scène DIY montréalaise semble ainsi ne vouloir en faire qu’à sa tête. Son ciboulot ressemble à la chambre qu’un gamin de 8 ans n’aurait jamais rangée, pleine de jouets venus d’ailleurs et de monstres pas toujours amicaux. “J’ai joué dans un groupe pendant des années, mais je faisais aussi des collages de mon côté, des morceaux narratifs qui n’étaient pas faits pour être reproduits sur scène, qui constituaient plutôt une expérience solitaire. Je sens que je balance encore sur ce fil entre la communauté et l’isolement.”
L’envie d’inscrire son art dans le communautaire pourrait correspondre à l’envie de faire de Lesser Evil un album pour dance-floors. Intoxiqués, les dance-floors : le synthétique, ici, est un venin dangereux, les beats lancent membres et corps dans des flexions qu’ils n’imaginaient pas possibles. On ne danse pas sur la ronde et tordue Anomaly, sur le chaos acide de She Is the Wave ou sur le single Egypt sans risquer de se crever les sens sur des ronces. L’isolement, lui, sera celui que provoque la plongée dans le psychédélisme furieux, informe, futuriste des morceaux protéiformes, absolument neufs, d’un garçon pas tout à fait normal.
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