Dernière invitée de l’émission radio « Dans le Genre », Gabrielle Deydier, auteure du livre « On ne naît pas grosse » parle de sa façon d’être femme et obèse, du regard des autres et de son amour pour Beth Ditto.
Auteure du livre On ne naît pas grosse, Gabrielle Deydier avait pour but et nécessité de faire entendre la voix d’une femme grosse : invisibles dans les médias, peu entendus, la réalité de la vie des hommes et femmes obèses est mal connue. Ils sont victimes de grossophobie, une discrimination plurielle qui touche aussi bien le domaine de l’emploi que le médical. De nombreux stéréotypes continuent en effet de leur être accolés : les gros ne seraient pas sains, ne savent pas travailler, n’ont pas de contrôle sur eux-mêmes… Dans ce livre elle évoque les insultes, les regards, raconte sa “vie de grosse”.
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“On m’appelait faux-garçon, fausse fille”
Son enfance, Gabrielle Deydier la passe entourée de ses deux sœurs et de ses parents, aux rôles très genrés : “Mon père se définissait comme l’homme qui pisse debout (…) Ma mère était du côté des garçons : pour elle, c’était normal qu’ils fassent des bêtises.” Elle raconte une anecdote marquante sur la façon dont, enfant, elle ressentait cette différence dans les genres au sein du couple parental : “Un jour je me suis énervée contre mon père parce que ma mère lui servait le café, lui mettait le sucre dans le café et touillait le café. Je me souviens qu’un jour j’ai arraché la tête de mon Ken, je l’ai posée sur la table et j’ai dit à mon père que je ne me marierai jamais, et que c’était de sa faute. Il m’a dit : “non, tu ne te marieras jamais parce que les mecs ne peuvent pas supporter les filles comme toi”
Une “fille comme elle”, c’est le genre « garçon manqué », avec en prime un prénom unisexe, qui lui vaut d’être appelée un “faux garçon”, une “fausse fille”. Elle vit assez mal de jouer au papa et à la maman avec ses amis, parce qu’on lui demande toujours d’être le papa. Plus tard à l’adolescence, elle deviendra dingue de Madonna car la chanteuse dégage un “être femme” libéré : “Pour moi Madonna, c’était un peu le symbole de – Punaise, je peux faire ce que je veux !” Puis ce sera Beth Ditto : “Des grosses, on n’en voit pas des masses. Une grosse comme [Beth Ditto], on oublie qu’elle est grosse. Ça m’a fait du bien de voir quelqu’un comme ça encensé et sa musique est vraiment chouette.”
Être femme et être grosse
Le titre du livre On ne naît pas grosse prend un sens tout particulier : ce n’est en effet pas un hasard si Gabrielle s’est surtout intéressée aux femmes grosses, davantages discriminées que leurs homologues masculins : “J’ai féminisé le titre – outre le clin d’oeil à Simone – parce que les personnes sur la table d’opération pour se faire couper l’estomac sont à 80% des femmes. Être femme c’est subir des pressions sur le corps que les hommes subissent moins.” D’ailleurs, elle explique que ses amies de corpulence moindre sont en proie elles-aussi au sentiment d’être grosses : “J’estime que mon corps gros est simplement un effet loupe : mes copines se trouvent toutes grosses. On a pas besoin d’être gros pour penser qu’on l’est.”
Pour Gabrielle, la féminité s’est assimilée à une quête : “J’ai longtemps été à la recherche de la féminité comme Indiana Jones à la recherche de l’arche perdue ! C’est une vraie quête parce que je ne comprenais pas ce que je dégageais (…) Si t’es pas féminine comme la société l’entend on projette sur toi autre chose. Il a fallu que je lise King Kong Théorie (de Virginie Despentes) pour que je comprenne le concept de femme virile.”
“Je ne peux pas me cacher derrière une culotte gainante”
Au cours de l’émission, Gabrielle parle également des normes qui pèsent sur le corps gros, mais avant tout féminin, l’obésité constituant pour elle un effet loupe : la presse féminine, qui « fabrique de la névrose » ou encore la sexualité : “[On] pense qu’il faut être parfaite pour avoir une vie sexuelle, qu’il faut un ventre plat, des tétons qui pointent : c’est des trucs que je ne peux pas m’imposer. Je suis obèse habillée, je suis obèse à poil, je ne me pose pas la question de ventre plat, d’avoir les seins qui tombent… de fait ils tombent ! Quelqu’un qui s’attendrait à autre chose serait à côté de la plaque.”
L’intégralité de l’émission de Géraldine Sarratia est à écouter ici.
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