Sur deux nouveaux albums fabuleux, The Heliocentrics réhabilitent encore des légendes vivantes de la great black music : l’icône américaine Melvin Van Peebles et le pionnier de l’afrobeat Orlando Julius. Rencontre, critique et écoute.
Une hantise du conformisme
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Ils avaient bricolé leur studio dans la cave d’un squat de punks, dans le quartier de Dalston, à l’est de Londres. “On y est restés plusieurs années », raconte le batteur Malcolm Catto, cofondateur des Heliocentrics avec le bassiste Jake Ferguson.
« La porte restait ouverte en permanence, on faisait confiance à tout le monde, j’adorais ce lieu. Mais la municipalité a nettoyé et réhabilité ce coin de Dalston, l’immeuble a été transformé en école de danse, je crois. Aujourd’hui, on a aménagé un vrai grand studio, entièrement analogique, dans un autre quartier.”
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Même confortablement installés, The Heliocentrics conservent cette hantise du conformisme et ce don de faire scintiller le chaos le plus noir. Sur une nouvelle collaboration avec l’icône blaxploitation Melvin Van Peebles (Sweet Sweetback’s Baadasssss Song), leur jazz-funk est toujours puissamment transgressif. Le poète américain ayant postulé volontairement à cette virée dans leur vaisseau déglingué, le groupe est parti très loin dans l’espace.
“Tout a débuté par les mots de Melvin, car on n’a pas eu la chance de le rencontrer en chair et en os, regrette Catto. Sur notre précédent disque avec Mulatu Astatke, il y avait ce long morceau intitulé Anglo Ethio Suite. Melvin l’a entendu dans le bureau de notre producteur à Los Angeles et il a dit : ‘J’adore cette musique !’ Il a enregistré un de ses poèmes par-dessus et nous l’a envoyé. Le morceau était déjà sorti, mais on a gardé sa piste vocale. Ses mots et ses images nous ont inspirés pour composer une autre musique pour sa poésie. Et ça a encore fini avec des échos étranges et des sons de claviers bizarres.”
Dissonances et syncopes hypnotiques
The Last Transmission est transcendé par l’amour flou des Heliocentrics pour le psychédélisme de la fin des années 60. “Just believe…”, conseille Van Peebles lors d’une épître mystique sur l’amour et les galaxies. Le secret pour apprécier les dissonances et les syncopes hypnotiques de cet album se résume peut-être dans ces mots simples : “juste y croire”. S’y abandonner spirituellement sans tenter de comprendre les mécanismes provoquant l’élévation. De la musique de drogués, dirait votre vieille tante. Peut-être, mais de la bonne. Melvin assume et allume un énorme joint sur la pochette du disque, ça peut aider.
Second disque des Heliocentrics paru cet automne, Jaiyede Afro est le résultat d’un mois d’expériences dans leur nouveau laboratoire londonien avec l’illustre chanteur et saxophoniste nigérian Orlando Julius. Pionnier de la fusion du highlife et de la soul américaine des années 60, il a même inspiré Fela lors de ses débuts avec Koola Lobitos à Lagos. Outre une formidable reprise de James Brown (In the Middle), l’album propose huit cartes postales bien timbrées : le Nigeria vu du ciel à travers un kaléidoscope en 3D.
“Rien n’était écrit, ni prévu avant qu’Orlando ne se pointe à notre studio. Mais on a senti tout de suite qu’il n’était pas du tout enfermé dans de vieux schémas, prêt à tout essayer. Il reste toujours ouvert d’esprit, un grand musicien, un mec super. Avec les Heliocentrics, on joue souvent des trucs sombres, alors son highlife joyeux et upbeat, c’était très rafraîchissant pour nous. On s’est éclatés, encore une fois.”
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