En avril 2017, une fillette de 11 ans avait porté plainte pour “viol” contre un homme de 28 ans. Le parquet de Pontoise avait considéré qu’elle était consentante, et choisi de qualifier pénalement les faits comme “atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans” – ce que les parties civiles contestaient vivement. Le dossier, qui a relancé le débat sur l’âge légal de consentement des mineur-e-s, devait être jugé ce mardi 13 janvier au tribunal correctionnel de Pontoise. Il s’est finalement tenu à huis clos et sera sans doute renvoyé à l’instruction en vue d’une possible ouverture d’une information judiciaire.
Un huis clos, une demande de requalification des faits et, finalement, probablement un renvoi à l’instruction. Mardi 13 février, un homme de 28 ans était jugé pour « atteinte sexuelle sur mineur de moins de quinze ans » par le tribunal correctionnel de Pontoise. Une affaire, « devenue politique » selon les avocats de la défense, dont le jugement était très attendu – et ce, tant par les nombreux journalistes présents que par les parties civiles, qui, depuis le début de l’affaire demandent que le prévenu soit jugé pour « viol ».
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A l’issue d’un délibéré de plus d’une heure trente, le tribunal de Pontoise a appelé le parquet à mieux se pourvoir, un renvoi à l’instruction étant probable. Dans deux jours, on saura ainsi si une information judiciaire est ouverte. « La famille est satisfaite », a déclaré l’avocate de la famille, Me Carine Dieblot, expliquant que cette décision allait permettre de mener « des investigations approfondies (…) et que la victime soit entendue comme victime de viol ». Du côté de la défense du prévenu, Me Marie Parise-Heideiger assure que « cela risque de faire durer la procédure (…) et de créer des dommages collatéraux ».
Retour en arrière : en avril 2017, Sarah*, onze ans, rentre du collège. Elle est abordée par Romain*, un homme de 28 ans, qu’elle ne connaît pas, et accepte de le suivre jusqu’à un immeuble. Là, il tente de l’embrasser, puis exige une fellation à la petite fille qui la fait, “tétanisée” selon sa mère, citée par Mediapart, qui avait révélé l’affaire. Elle le suit ensuite à son appartement, où l’homme la pénètre sexuellement. La fillette, bouleversée, s’empresse de téléphoner à sa mère en sortant et lui raconte tout. Une plainte pour « viol » est déposée dans la foulée.
Huis clos total
Pourtant, en septembre 2017, le parquet de Pontoise décide de qualifier les faits de délit, celui d’ »atteinte sur mineur de 15 ans », au grand dam des parties civiles pour qui c’est bien d’un viol dont il est question ici. Deux versions s’affrontent : selon les dires du prévenu, il la pensait consentante et n’avait de toute façon pas idée de l’âge de la fillette, “peut-être 14-16 ans” – cf. ce papier de France info, où il est aussi question des avocats de la défense rappelant que Sarah avait déjà reçu et envoyé des SMS à caractère sexuel (de quoi frôler le slut shaming, fin de la parenthèse).
Pour le parquet, le fait que Sarah soit restée passive et n’ait pas émis de protestation fait que la qualification de « viol » ne peut être retenue (le code de procédure pénale ne qualifiant pas juridiquement un viol sans preuve que la victime a subi une “contrainte, une violence, une menace ou une surprise”). En revanche, pour Me Carine Dieblot, avocate de Sarah, interrogée par Libé en septembre, « le parquet est passé à côté d’une juste analyse de la situation » à l’époque: « Sarah n’a pas crié, elle ne s’est pas débattue, elle dira elle-même dans une audition qu’elle était ‘bloquée’. En psychotraumatologogie, cela s’appelle de la sidération. L’expertise dit bien qu’elle est ‘sidérée’ et ‘dissociée’. »
Un projet de loi sur le consentement sexuel des mineurs en cours
Le jugement avait donc été renvoyé à ce mardi 13 février, toujours devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Un peu avant 14h30, le dossier pour qui tout le monde s’est déplacé commence à être examiné. On aperçoit furtivement Romain* derrière le box des accusés, tout de noir vêtu, visage juvénile, se touchant fébrilement le crâne. On ne le verra pas plus longtemps, pas plus que la fillette et sa famille qu’on n’aura pas vu du tout, rentrées dans la salle à l’abri des nombreuses caméras : les parties civiles évoquent un « risque d’atteinte à la dignité de la personne » et de « trouble à l’ordre public ». Elles demandent donc à ce que l’audience se tienne à huis clos total.
La présidente accepte. Voilà tout le monde dehors, tandis que l’affaire se voit jugée d’abord non pas sur le fond, mais sur une éventuelle requalification des faits, comme réclamé par les parties civiles. Le Tribunal s’est donc finalement déclaré incompétent en demandant au parquet de mieux se pourvoir – de quoi laisser penser à l’ouverture d’une information judiciaire, pour atteinte sexuelle ou bien pour viol.
L’affaire avait en tout cas relancé le débat sur le consentement sexuel des mineur-e-s. En France, la loi actuelle est telle que le fait que Sarah n’ait que 11 ans n’a pas d’influence, contrairement à d’autres pays (Allemagne, Angleterre, Espagne…) où il existe une présomption d’absence de consentement d’acte sexuel pour un-e mineur-e, avec des seuils d’âges différents selon les Etats. Un projet de loi sur la « présomption de non-consentement » en matière sexuelle des mineur-e-s a tout de même été annoncé en octobre par la Secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. Le Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes préconise d’établir à 13 ans l’âge de consentement. Un récent rapport du Sénat, lui, préconise d’établir une « présomption de contrainte » plutôt que l’instauration d’un âge minimum.
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