La revue américaine « Sports Illustrated » a décidé de rejoindre le mouvement #MeToo dans les pages de son numéro spécial maillots de bain. Résultat : une prise de position maladroite et une direction artistique jugée « spectaculairement idiote » par le magazine « The New Yorker ».
Magazine classique de la presse américaine, Sports Illustrated n’est pas un acteur anodin dans le développement d’une représentation féminine hyper-sexualisée. En effet, depuis plusieurs années cette revue présente son “Swimsuit issue”, soit le “numéro maillot de bain » chaque début mars : pas de surfeurs en shorts de plage Quicksilver en vue, mais plutôt des naïades sculptées en maillots une-pièce (juste le bas). Ce swimsuit issue est à double tranchant : à la fois célébré quand le magazine immortalise la sculpturale Ashley Graham, première mannequin grande taille à poser dans le spécial maillots de Sports Illustrated, mais aussi sévèrement critiqué pour sa vision limitée de la femme, réduite à un objet sexuel. La dernière série photo du magazine, « In Her Own Words » (« selon ses mots à elle », en VF) n’a pas trouvé grâce auprès des lecteurs.
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“Des schémas de boucher »
Les images de « In Her Own Words », prises par la photographe californienne Taylor Ballantyne, représentent des femmes nues : pas de maillot de bain, donc. Sur leur peau sont inscrit au marqueur noir des mots censés rappeler les qualités et la nature de la femme. Quelques occurrences présentes parmi ces tatouages : « vérité« , « mère« , « humain« , « nature« , « amante« , « nourrir« , « progrès« .
Alors que le magazine américain pensait vraiment aller dans le sens du progrès féministe avec leurs images, c’est un retour de bâton sévère que rencontre la publication. Alexandra Schwartz, journaliste au New Yorker, s’est fendue d’une chronique aiguisée à l’encontre de cette série “spectaculairement idiote” : “A l’époque [Sports Illustrated] était un combustible de choix pour la masturbation, un cadeau de fin d’hiver pour le regard d’hommes hétérosexuels affamés de chair. (…) Cette année, le magazine a pris une nouvelle direction (…) : les images rappellent les évanouis de fin de soirée tatoués au marqueur par des blagueurs très respectueux, ou bien les schémas de boucher qui présentent l’animal en petits bouts de viande à découper.”
La série ne présente aucune prise de parole des femmes, donc aucun vrai rapport avec le mouvement #MeToo. La journaliste poursuit : « Ces mots simplistes, écrits en noir sur peau blanche, ne donnent pas tant l’impression que les femmes parlent et se racontent, mais plutôt que les femmes ne peuvent pas parler du tout.”
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Le propos s’adoucit toutefois quand la rédactrice reconnaît l’avancée d’engager, pour la première fois en cinquante ans d’existence du magazine, une femme photographe pour réaliser le swimsuit issue. Enfin, en guise de conclusion, la journaliste s’emparera des mots 2.0 des internautes hostiles au #MeToo : “Aux sceptiques du mouvement #MeToo, restez tranquilles. Ceux qui annoncent que les féministes vont faire disparaître la sexualité ont, encore une fois, grandement exagéré.”
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