Un bel album de séparation, où Asaf Avidan s’évade des styles et des contraintes.
C’est un genre : le break up record. In the Wee Small Hours de Sinatra en a inauguré la veine en 1955. Frankie venait de casser avec la vénéneuse Ava (Gardner) et vacillait en bord de gouffre. Le dernier datait d’il y a quatre ans : Adele Adkins démâte en apprenant que son boy-friend file doux avec une autre pendant l’enregistrement de 21. Résultat : des chansons qui oscillent entre câlineries, cafard, catharsis et un disque qui se vend à plus de 26 millions d’exemplaires.
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Schyzophrénie
Depuis Now That You’re Leaving (2006), The Reckoning (2008) et Poor Boy/Lucky Man (2009), Asaf Avidan est pour ainsi dire passé maître en la matière. Avec toujours le même questionnement : “Comment accepter ces deux personnes qui cohabitent en moi, l’une qui entend construire une relation durable, l’autre qui cherche systématiquement à tout faire foirer”. Comme pour le 21 d’Adele, l’enregistrement de Gold Shadow a donc débuté sous un ciel radieux. Over My Head – slow classique assorti d’un choeur doo-wop – en absorbe le rayonnement. C’était en février 2014, au temps où lui et sa compagne Michelle projetaient d’aller vivre à Hawaii et de fonder une famille.
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Album de rupture
Et puis son mauvais mojo l’a rattrapé. Pas le groupe – The Mojos – avec lequel il a débuté en Israël mais cette force invisible, sournoise, qui travaille à nous ficeler un destin. Michelle partie, nous voici en présence d’un nouvel album de rupture. Avec une nuance cependant, de taille. Loin de subir l’inertie d’une situation qui se répète, le chanteur à la crête punk, à la voix perforante, a cherché à conjurer la fatalité du même en se soustrayant aux contraintes stylistiques. Gold Shadow n’est en rien la suite mimétique de Different Pulses, disque de rock écorché qui l’a révélé voici deux ans. Plutôt un habile jeu de rôle musical où il se glisse avec l’élasticité d’un gymnote dans la peau d’une Eartha Kitt, d’une Nina Simone, d’un John Lee Hooker, voire d’une Lotte Lenya.
Influences folk assumées
Revue de cabaret des coeurs brisés, entre le kitsch mélo de My Tunnels Are Long and Dark These Days et l’âpre “twelve bar blues” de Bang Bang, le tout chanté avec une voix comme rampant sur du verre pilé, le disque se referme sur deux formidables ballades. L’une, The Labyrinth Song, à la manière du Leonard Cohen à son plus lugubre ; l’autre, Fair Haired Traveller, de Bob Dylan époque boots en cuir d’Espagne. “Fut un temps où je me disais que je devais dissimuler ces influences. Mais là je me suis dit, ‘fuck it !” Tout est dans ce “fuck it !”, à traduire par “c’est tout ou rien”. C’est encore plus : le grand mélo d’un beau maso.
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