Le leader de Wu-Tang Clan RZA évoque avec amertume leur dernier album. Et la fin probable d’un des plus grands groupes de l’histoire du rap.
A Better Tomorrow, dernier disque des New-Yorkais de Wu-Tang Clan, n’a pas enthousiasmé tout le monde. Il a fait l’objet des dissensions les plus aiguës de l’histoire de ces rappeurs de Staten Island, qui, en vingt ans, ont pourtant connu de belles guerres fratricides par juges ou médias interposés. De la “grève” de Raekwon à GZA refusant d’enregistrer, jusqu’aux piques de RZA à l’attention de ses “frères”, une ambiance délétère plane sur ce sixième album qui a failli ne pas voir le jour.
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Au départ, un groupe normal
Leader de cette équipée trouble qui tient du gang autant que de l’école spirituelle, RZA, qui compose et produit les disques du groupe depuis les débuts, ne cache pas sa déception :
“A l’origine, on était un groupe normal. Aujourd’hui, nous sommes huit rappeurs, avec huit managers, huit avocats… Si je veux les rassembler pour un disque, je dois d’abord discuter avec des managers pendant six ou sept mois…”
Enregistré entre New York, Los Angeles et Memphis, où RZA a investi le studio du producteur soul Willie Mitchell, le disque souffre de ce manque de cohésion lié à la dispersion des huit lascars, devenus des stars du rap à la faveur d’une poignée de disques qui ont révolutionné le genre dans les années 1990, mais qui privilégient aujourd’hui leur carrière, leurs dollars.
“J’ai bataillé, indique RZA. On m’a demandé du fric avant même l’enregistrement d’un couplet, alors que j’ai tout financé, que je n’ai demandé d’avance à aucun label. Ils ont inventé des problèmes qui n’avaient rien de musicaux. Ça a été le disque le plus pénible que j’aie jamais enregistré. Ça aurait pu être plus puissant, plus cohérent.”
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Tensions
Depuis quelques années, déjà, la solidarité se craquelle au sein du groupe, pourtant surgi comme un seul homme en 1993 du béton new-yorkais. En témoigne la série de procès intentés à RZA par certains membres, de U-God qui lui réclamait 170 000 dollars en 2008 – mais ne voyait pas d’inconvénient à faire de lui le producteur exécutif de son album solo – jusqu’à Ghostface Killah qui contestait en 2005 la répartition des droits entre les sept rappeurs, qui se partageaient 50 % du revenu, et RZA, qui s’arrogeait le reste en tant que seul rappeur et producteur…
Les années 2000 ont aussi vu s’élever des critiques visant le leadership de RZA qui, il y a vingt ans, rêvait pourtant d’une démocratie. “Wu-Tang reste une démocratie, mais sans Congrès, sourit-il. Parfois, le président est obligé d’agir parce que le Congrès rechigne à passer les lois, et ça n’avance pas.” D’où les ultimatums lancés par médias interposés, entrecoupés d’appels à la fraternité, et l’amertume au bout du couloir : “La musique n’existe pas grâce à des contrats, elle existe parce que des musiciens la créent, mais on a inversé les choses. Nous avons enregistré notre premier disque sur la foi d’un accord oral, personne n’a été payé, et c’est devenu un des plus grands disques de rap.”
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Triste fin
Sur A Better Tomorrow, RZA demeure inspiré, étirant tantôt un rap brutal qui ressuscite les premiers disques du groupe, tantôt une soul plus léchée, mais le Clan s’éparpille. En dépit d’un niveau poétique consistant, le disque interroge le futur d’un gang dont les membres ne se côtoient qu’à l’occasion de leurs rares enregistrements.“Le titre du disque est une déclaration, il s’adresse à nous. Allons-nous vers un meilleur lendemain ? Wu-Tang est-il encore devant nous, ou n’est-ce qu’un passé commun ?” Après un silence, RZA répond : “Il est probable que ce soit le dernier disque de Wu-Tang. Ce que nous avons créé, notre musique et notre énergie, est éternel. Mais en tant que groupe…”
Le véritable dernier disque de Wu-Tang sera en réalité le mystérieux Once Upon a Time in Shaolin, enregistré dans le plus grand secret, pressé à un seul exemplaire et destiné à être vendu aux enchères dans des galeries d’art. Selon RZA, un collectionneur aurait proposé 5 millions de dollars. Une fin pas si sombre, finalement.
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