En frottant ses habitudes et son écriture au danger, l’Anglais revient avec un album osé, dominé par une voix maîtresse. Critique.
En ouverture, Wilderness avance en terrain balisé (acoustique sur note bleue et voix d’ange), puis s’épaissit de tambours en charge de la brigade légère. Alors, on comprend que dans ce disque les choses seront moins confortables et convenues que prévu. Beaucoup moins. Il était énervant, avant (beau comme Bowie et cornaqué par Peter Gabriel, chanteur pour chanteur, Britannique mais adulé dans l’Hexagone, un chapeau de beatnik piqué à Thelonious Monk en carte de visite, et deux premiers albums écoulés par palanquées). Mais c’était avant.
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Aux antipodes d’une star évaporée, Charles Gleave a mis à profit un séjour en solitaire de près de huit cents jours dans son home-studio londonien pour tout miser sur le trois rouge (sang), et peaufiner, pratiquement seul maître à bord (parties de batterie exceptées), une douzaine de chansons et une poignée de remixes, en révolution culturelle, affective et psychologique.
Culturelle, car envoyant par-dessus les moulins les poncifs attendus pour assumer sa passion pour les crissements électroniques (Daft Punk), les dance-floors illuminés par la guitare liquide de Nile Rodgers, et son affection pour les aventuriers soniques (Thom Yorke). Et s’autorisant une autofiction plus proche de l’os que jadis, et la musique qui va avec. Affective, car Curio City juxtapose mesures moites et envolées épiques, pop en avance de plusieurs semestres et electro vintage. Psychologique enfin, car, après avoir prouvé tout et le reste aux tiroirs-caisses, il appartenait à Winston de s’assumer artiste contemporain, déclinant en deux versions Janus de A Light, la première en fardeau nocturne, la deuxième irradiée par le soleil levant et hit assuré, les périls et séductions de l’homme nu sur la place, exposé mais triomphant.
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Pour preuve la volonté farouche de mener à bien et en figure de proue le projet, mû par quelques images fichées au mitan de ses rétines (celles de Blade Runner et de Drive). Ici, et réalisant le quasi exploit d’un nouvel élan sans perte d’identité, le garçon du Suffolk pose quelques questions intimes mais essentielles sur son parcours (où débute le masque, où commence la réalité ? l’énergie de la création est-elle vaine ou nécessaire ?). Pas sûr qu’il y réponde entièrement, mais ces interrogations, ces mises en péril sont rafraîchissantes comme une rosée de printemps. Accessoirement, on considérera raisonnablement que le chanteur a progressé d’une manière inouïe dans la maîtrise de son organe, s’imposant comme l’un des tous premiers vocalistes de sa génération.
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