Un documentaire sur un centre d’hébergement d’urgence voué à la disparition. On y suit deux ados sans que les réalisateurs n’en rajoutent jamais sur le pathos.
Nous sommes à l’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence (CHU) parisien où nous suivons d’abord les pas et le récit de Djibi, 13 ans, qui vit là avec sa mère depuis un soir de 31 décembre. Elle, cumule les petits boulots. Lui, ne dit pas à ses camarades de classe où il vit. Comme d’autres enfants du centre, il participe à un atelier d’écriture où on leur apprend à raconter leur vie. Libération s’est engagé à publier leurs textes quand ils les auront écrits…
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Djibi a un peu de mal, mais ça va venir. Et puis il y a aussi Ange, 13 ans elle aussi, qui réside à l’Archipel avec son père. C’est dans l’apprentissage du chant qu’elle va s’épanouir. Chanter, pour elle, ce n’est d’abord pas facile. Mais ça vient, grâce à la prof qui se montre très patiente.
Un jour, on apprend que l’Archipel va bientôt fermer ses portes. Les résidents devront soit se retrouver dans un logement, soit changer de CHU. Et un centre, c’est comme une grande famille, avec ses liens affectifs tissés quotidiennement, ses heurts aussi. C’est une page de l’histoire des parents et des enfants qui va se tourner dans leur vie. On organise une fête de départ, où certains jeunes chanteront et les apprentis écrivains diront leurs textes, leurs poèmes. Djibi est désigné pour lire le discours d’adieu.
Les frères Stan et Edouard Zambeaux, respectivement chef opérateur et journaliste spécialisé dans les questions sociales, de leur premier métier, filment les enfants qui s’engueulent entre eux ou avec leurs parents, les amitiés qui se forgent, les difficultés à s’exprimer, leurs progrès si rapides, l’enthousiasme et l’énergie des enfants. Jamais les Zambeaux ne cherchent à jouer sur le pathos. Mais il est là.
Il monte peu à peu du récit de ces (pré)ados qui ont honte de leur misère, mais qui, c’est une évidence, grandissent dans l’amour de leurs parents et aussi d’une communauté disparate où des gens venus de tous les pays se côtoient, partagent leur vie. Ces moments uniques marqueront sans doute à jamais Ange et Djibi. C’est ce qu’il y a de plus beau dans ce film bouleversant, modeste, attentif à ceux qu’il met en scène, au-delà de la situation difficile et réelle de chacun, des membres de cette petite communauté fortuite : le sentiment du temps qui passe, du présent qui ne reviendra plus.
L’Archipel va disparaître, tous les sentiments partagés là par des gens venus du monde entier ne laisseront aucune trace. Sinon ce film. D’où son urgence, sa magie, sa nostalgie. Et c’est ce qu’exprime avec une belle acuité Djibi dans les derniers instants du film. Ceux qui ne pleureront pas ont un cœur de pierre.
Un jour ça ira de Stan et Edouard Zambeaux (Fr, 2017, 1h30)
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