L’un des grands miraculés de la musique anglaise poursuit sa résurrection. Critique.
Lorsqu’on découvrit, il y a une dizaine d’années, les deux albums que l’inconnu Bill Fay avait publiés au début des seventies, le choc fut proportionnel à la peine ressentie de le savoir sans doute perdu à tout jamais, comme tant d’autres, dans le labyrinthe de l’histoire parallèle du rock anglais.
Culte modeste mais réel
Au fil du temps, des enregistrements postérieurs ainsi que des démos étourdissantes seront compilées, sans pour autant que l’opacité mystérieuse entourant ce songwriter singulier ne désépaississe tout à fait. L’imprégnation mystique de certains de ses textes d’époque pouvait laisser penser que cet homme à la voix divine avait trouvé refuge dans un cloître capitonné, et qu’il n’était même pas au courant du culte modeste mais réel dont il faisait lui-même l’objet. Et puis, miracle, en 2012 arriva Life Is People, un nouvel album né de l’opiniâtreté de certains de ses fans – notamment Jeff Tweedy de Wilco, ainsi qu’un vétéran du Vietnam reconverti en mécène – qui avaient à cœur d’apporter une suite à cette histoire laissée en suspension.
Trois ans plus tard, avec sensiblement la même équipe de musiciens anglais – des jeunes et d’autres qui l’accompagnaient déjà il y a quarante ans –, le voilà qui hisse le curseur émotionnel encore plus haut avec Who Is the Sender?, prouvant que ce retour des limbes n’était pas qu’un accident heureux mais bien l’entame d’une deuxième vie dont il ne fallait plus lâcher le fil. C’est précisément le sentiment que l’on éprouve en écoutant ces treize plages d’une humanité et d’une simplicité bouleversantes, entraîné comme dans un tourbillon languide par cette voix à peine élimée d’un vieux sage qui observe le temps qui reste sans la moindre amertume d’avoir laissé filer sa chance. L’oublié Bill Fay est devenu inoubliable.