Au bout d’une longue gestation, le deuxième album d’un garçon très en vue. Critique et écoute.
Avec ses mélodies aériennes, ses beats soyeux qui s’encanaillent parfois aux lisières du r’n’b, cette voix aux gammes élastiques, Fryars pourrait apparaître de loin comme un énième avatar séduisant de cette dream-pop aux frontières mouvantes, très prisée des publicitaires et des amateurs de saunas sonores.
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Power, œuvre maniaque
A y regarder de plus près, Power est surtout l’œuvre maniaque et patiente d’un jeune Anglais qui aura mis cinq ans à donner suite à un premier album, Dark Young Hearts, enregistré à seulement 19 ans et déjà empli de promesses qui éclosent ici en majesté. Benjamin Garrett, alias Fryars, aura collaboré dans l’intervalle avec Mika (sur le titre Celebrate, écrit à trois avec Pharrell Williams) ou encore Lily Allen, réservant toutefois ses superpouvoirs à échafauder son propre domaine, dont la visite démarre d’ailleurs par l’envoûtant On Your Own.
Seul aux commandes d’un disque qui dérive comme sur une mer d’huile instrumentale riche de mille textures, Fryars est à la fois l’enfant de The Blue Nile et le cousin introverti de Justin Timberlake (ressemblance frappante sur le funky Prettiest Ones Fly Highest), déployant un nuancier d’inspirations qui font de lui un caméléon à la personnalité toutefois bien trempée. Il faut un certain cran, par exemple, pour adopter le temps d’un China Voyage le phrasé et la tessiture capiteuse d’un Scott Walker, enrubannée de cordes aussi bouleversantes qu’étourdissantes.
Songwriter béni des dieux
Cette voix, malléable à souhait, il la soumet l’instant d’après à l’affreuse défiguration de l’autotune et elle demeure pourtant aussi touchante, le temps d’un Sequoia qui, dans la bouche de Rihanna, aurait pu grimper tout en haut des hits planétaires. Idem avec Cool Like Me, petite bombe suave pour dance-floor qu’il planque en fin d’album quand d’autres auraient tiré une telle fusée en premier.
Sur ce disque presque sans aucune baisse de régime, entrecoupé d’interludes et de dialogues, Garrett s’impose ainsi avec discrétion comme un songwriter béni des dieux, sans doute l’un des plus grands pour les années qui viennent. Mais il a la modestie de ne pas se laisser griser et de bâtir à l’écart de l’affolement général un petit monde jalousement préservé, qui risque fort toutefois d’être largement visité dans un proche avenir.
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