A la frontière entre le malaise et la douceur, le spirituel et le charnel, la Norvégienne fascine. Critique et écoute.
Que de points d’interrogation ! Les litanies qui forment le lit de la rivière de pensées qu’est Apocalypse, Girl ne cessent de poser d’étranges questions, coulant d’un titre à l’autre. Et de fait, l’objet nous interroge. Premier trouble : trouver des noms aussi bruyants que Lasse Marhaug (viking noise) ou Thor Harris (aux fûts de Swans) au chevet d’un disque à la surface si calme. Car au fil de cette Apocalypse caressante, la violence se loge dans le propos, entre incursions spirituelles et présence charnelle. On y suit un cerveau qui cherche un chemin à travers les ambivalences de la chair.
Jenny Hval se place en intimité troublante avec l’auditeur, avec sa peau autant que sa psyché. A la fois doux et dérangeant, l’album comporte surtout quelques grands moments de chanson contemporaine, glissant d’electro-pop rêveuse en folk futuriste, conjuguant les audaces d’une Holly Herndon dans un langage plus familier, et est toujours rempli de pièges délicats, comme le beau mitan de Why This? – tiens, encore une question. Là où tant de disques inoffensifs se parent d’atours agressifs, se faire bousculer par un album aussi soyeux est un délice.