D’une efficacité redoutable et d’une beauté troublante, le troisième album des Anglais est le furieux manifeste pop d’un monde qui tourne trop vite, et jamais rond. Critique et écoute.
On aime énormément Battles. On aime énormément Foals. On aime énormément TV On The Radio. On aime énormément Yeasayer. On aime donc énormément, forcément, l’entreprise dingue dans laquelle le perché Jonathan Higgs et son Everything Everything se sont lancés en 2010 avec leur premier Man Alive – entreprise qu’ils bouclent désormais avec Get to Heaven, dernier volet d’une trilogie à l’ambition démesurée.
Comme les groupes susnommés, comme d’autres évidemment, les Anglais s’évertuent depuis cinq ans à mettre la pop music dans une fusée dont ils dessinent seuls, savant cinglés et chercheurs extrémistes, les plans inédits, puis à l’envoyer valdinguer dans des galaxies et trous noirs dont on ignorait jusque-là l’existence. Plus encore que ce ne fut le cas avec Man Alive, brouillon ébouriffé de ce qui allait suivre, ou avec leur précédent, brutal et monumental Arc, paru en 2013, l’écoute de Get to Heaven réclame une grande souplesse mentale et logique. Everything Everything porte bien son nom et semble avoir mis tout, absolument tout, dans son troisième album, bordel phénoménal et manifeste brûlant qu’a rondement produit Stuart “Les Rythmes Digitales” Price (The Killers, Madonna, Pet Shop Boys).
Expérimentaux mais ultramélodiques, kaléidoscopiques et labyrinthiques, faits de 0 et de 1 comme de chair et de sang, de pop et de dance, d’électricité et de gospel, de soleil et d’ombres, d’équations sans queue ni tête et d’angles inédits, de rushs zinzins et d’hymnes à l’anormalité, parfois tubesques et souvent d’une saisissante beauté dans leur folie épique, les onze morceaux de Get to Heaven laissent l’auditeur pantois, pantelant, effaré. Comme perdu, aspiré sans repères ni souffle possible par l’ouragan d’informations, d’humeurs, d’images, de notifications, de tweets, de couleurs, d’horreurs et de drames que le monde lui balance en désordre au visage, chaque minute de chaque heure.
Pop et terriblement excitant en surface mais très politique au fond, dans ses textes et son concept même, Get to Heaven semble ainsi être l’empreinte désordonnée, insensée, enragée d’un monde qui tourne trop vite mais absolument pas rond, et qui ne cesse d’accélérer.