Raffinement, délicatesse et amour au programme du nouvel album des new-yorkais. Critique.
Bien avant Facebook, peu s’en souviennent, mais il y a eu Fakebook. Ce n’était pas un réseau social mais le nom d’un bien bel album de Yo La Tengo paru en 1990, qui réunissait des reprises – de morceaux d’autres artistes mais aussi de morceaux du groupe.
Un quart de siècle plus tard, les Américains ressuscitent la formule et publient Stuff Like That There, un album qui répond à ce même principe de relecture. Devenu quatuor en réintégrant Dave Schramm à la guitare, Yo La Tengo aligne ainsi quatorze titres pris d’un peu partout et pourtant parfaitement homogènes dans leur nouvel habillage sonore – nulle guitare distordue ici, essentiellement de jolies ballades aux arrangements délicats.
Piochant chez Hank Williams, The Parliaments, Darlene McCrea, The Lovin’ Spoonful, Great Plains ou The Cure, les héros discrets du New Jersey opèrent ainsi un beau travail de funambule, assaisonnant ces titres à leur sauce tout en leur rendant hommage, en ne leur volant jamais la vedette. Ainsi, si Friday I’m in Love ou I’m So Lonesome I Could Cry sonnent ici comme s’ils avaient toujours appartenu à Yo La Tengo, ces nouvelles versions rappellent aussi combien les chansons originales étaient fortiches, belles, émouvantes…
Dans son propre catalogue, le groupe déracine All Your Secrets (de l’album Popular Songs), The Ballad of Red Buckets (de Electr-o-pura)… A chaque fois, il opte pour une enveloppe musicale douce et sentimentale, d’où s’échappe cette fragilité indé – instrumentation en retrait, voix sur le fil – qui a souvent nourri nos chapitres préférés de l’histoire de la musique (de Lambchop à Belle And Sebastian, de Low aux Feelies…).
Dans deux ans, Yo La Tengo aura l’âge du Christ. Ce Stuff Like That There, qui nous accompagnera jusqu’au passage parisien des Américains cet automne, alimente encore un peu plus notre foi : on croit toujours aussi fort à Yo La Tengo.