Copain de Courtney Barnett, le jeune dandy Australien fuit le surf et signe des chansons à l’américaine. Critique, rencontre et écoute.
C’est l’histoire d’un garçon australien prénommé Fraser que sa maman inscrivit, quand il eut 10 ans, à des cours de chant. Non qu’elle aimait particulièrement la musique, mais dans l’espoir que l’exercice aide son rejeton à lutter contre le bégaiement dont il souffrait depuis l’enfance. Les cours, hélas, ne changèrent pas grand-chose à la situation. Mais le jeune Fraser y prit goût et commença à écrire des chansons. “Je bégaie toujours aujourd’hui, mais pas dans mes chansons. C’est peut-être ce qui explique que j’aime autant chanter : c’est le seul moment où je suis libéré de ce handicap.”
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Au royaume des surfeurs baraqués
Fraser A. Gorman a moins de 25 ans, des cheveux en pétard et une frêle silhouette qui laisse deviner une adolescence pas toujours évidente au royaume des surfeurs baraqués. “J’ai grandi à Torquay, à une heure de route au sud de Melbourne. C’est la capitale du surf, c’est là-bas, par exemple, que fut créé Quiksilver. Si vous ne surfez pas à Torquay, vous êtes un peu considéré comme un marginal… C’était mon cas car ce sport me faisait beaucoup trop peur…”
De ces années à côtoyer les héros sportifs, bronzés et confiants du lycée, Gorman garde un souvenir mitigé, et savoure les occasions de vengeance que lui offre sa nouvelle carrière de songwriter.
“Lorsque je joue dans des festivals aujourd’hui, je recroise tous ces gars qui se moquaient de moi, qui me trouvaient un peu bizarre. Ils sont désormais dans le public de mes concerts et après le show ils viennent me demander comment je vais… ‘Quoi de neuf Fraser ?’ Je leur réponds tout simplement d’aller se faire foutre.”
Un poulet et Courtney Barnett
C’est avec la chouette vidéo d’un single épatant nommé Book of Love qu’on a découvert Fraser A. Gorman au printemps dernier. Le titre évoquait une hypothétique petite pépite de Beck avec un orgue rond et des chœurs parfaits, la vidéo figurait notamment un poulet et Courtney Barnett. La chanteuse est une bonne amie de Fraser. “J’aime la façon dont Courtney est capable d’écrire de grandes chansons à partir de sujets totalement ennuyeux : elle fait du grand avec du banal.”
Amoureux de Dylan et de Neil Young, Gorman a composé un premier album qui redonne ses lettres de noblesse à l’adjectif “cool”. Slow Gum est, en effet, un vrai disque souple et tranquille, une collection de chansons pépères mais chic, qui scrutent l’Amérique – celle du Laurel Canyon mais celle, aussi, de Springsteen. Un album qui aligne quelques excellents chapitres (Book of Love donc, inusable, mais aussi la ballade Big Old World ou l’irrésistible Never Gonna Hold You (Like I Do), qui met en évidence une filiation évidente entre le dandy austral et les copains de She & Him).
Une poignée de titres moins convaincants (My Old Man, Shiny Gun) écarteront Slow Gum des palmarès de l’année, mais l’ensemble mérite l’amour autant qu’il le répand. “99 % des chansons qui ont été écrites dans le monde parlent d’amour. Je ne me suis même pas posé la question quand il a été question de m’y coller aussi. Et puis je ne pense pas que l’amour risque de passer de mode…”
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