Charge héroïque de deux heures des Attila américains, sans pitié pour les nerfs. Critique et écoute.
Michael Gira a sans doute réalisé que le temps était désormais compté. Fraîchement sexagénaire, l’homme au Stetson, qui cavale à tombeau ouvert depuis plus de trois décennies avec ses Swans – malgré une longue éclipse entre 1997 et 2010 –, accélère ainsi encore la cadence.
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Depuis les confins de la no-wave
Après le double, épique, tellurique et parfois éprouvant The Seer il y a deux ans, il remet ça avec le double, épique, tellurique et parfois éprouvant To Be Kind, dont le titre est évidemment à prendre avec une précautionneuse ironie.
Car s’il s’est (très légèrement) civilisé depuis ses débuts bruitistes aux confins de la no-wave, Swans n’a jamais été un groupe “aimable”. Si cette bande de mâles furibards a embarqué cette fois quelques filles dans sa folle équipée, ce ne sont pas vraiment de prudes donzelles (St. Vincent, Al Spx de Cold Specks, Little Annie…) et leurs voix sont de toute façon écrasées par celle du taulier après un corps-à-corps par définition inéquitable.
Débutant sur une litanie de noms et d’adjectifs froidement alignés comme sur un poteau d’exécution, To Be Kind nous coupe d’emblée l’herbe sous le stylo et on a conscience qu’elle ne repoussera pas après le passage de ces Huns impitoyables, toute relation à cette musique dépassant la parole pour, au mieux, s’analyser avec des sensations.
Un son martiel et sournois
Jamais exagérément sadique, nullement démonstratif malgré sa puissance, le son martial et sournois de Swans agit comme un perforateur en choisissant une mèche fine (les intros relativement clémentes qui dissimulent l’invariable déluge de feu) pour mieux viser profond dans les chairs et les neurones.
Au bout de ces longues processions (jusqu’à dix-sept minutes pour le seul She Loves Us), parvenir à respirer reste une option tout à fait éventuelle, le mal nommé Oxygen ayant achevé de nous serrer l’artère jugulaire et de nous laisser sans voix ni repère, comme moralement abandonnés et physiquement en lambeaux. Par-delà le bien, le mal et les mots, donc.
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