Le centre d’art Wallonie-Bruxelles de Paris (à deux pas du Centre Pompidou) célèbre l’éclectisme festif de la capitale belge. Ville à la culture généreuse et cosmopolite et à l’humour détonnant, Bruxelles regorge d’artistes qui bouleversent nos certitudes et offrent une nouvelle vision du monde qui nous entoure.
Si vous n’avez pas encore fait cette exposition, que vous soyez un fan de Bruxelles ou que ayez envie de la découvrir, courrez-y ! Portrait subjectif, cette exposition marque le dixième anniversaire de la CENTRALE, centre d’art fondé par la municipalité dans une ancienne centrale électrique. L’Histoire et la petite histoire de la capitale belge se rencontrent à travers des créations originales d’artistes qui vivent là-bas et y travaillent. C’est une exposition pleine de créativité et d’autodérision qui retranscrit la saveur de l’esprit bruxellois, melting-pot joyeux à l’humour décomplexé. Le parcours fonctionne comme un espace mental qui réunit une mosaïque de sensations liées à la ville.
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C’est un mur d’objets en tout genre qui ouvre l’exposition: sorte de patchwork dépareillé et ludique, le mur cumule chapeaux, vieilles poupées et jouets en caoutchouc. Cette installation est l’oeuvre du chapelier et modiste belge Elvis Pompilio, figure extravagante issue de l’immigration italienne. Bruxelles fonctionne comme une immense machine qui broie des coutumes et des cultures très diverses: au lieu de se côtoyer froidement, ces sensibilités fusionnent pour créer un univers urbain en ébullition. À l’image de la ville, l’artiste Franz Gsellmann a crée une Machine du monde (Weltmaschine).
En 1958, Gsellmann se rend au pavillon central de l’Exposition universelle de Bruxelles et se trouve fasciné devient une reproduction de l’Atonium, sculpture géante représentant un cristal élémentaire de fer. En s’inspirant d’une réplique miniature du monument, il mettra 23 ans à construire cette incroyable machine. Cette oeuvre, entre gigantisme et merveilleux, rappelle combien la capitale s’est transformée pour l’Expo 58, convoquant de nouvelles notions telles que la liberté et l’utopie.
L’exposition transmet également l’esprit bruxellois tel qu’il est, gorgé d’une bonne dose d’autodérision et de finesse. Cette sensibilité se retrouve chez de nombreux artistes: on trouve des oeuvres pleines de dérision comme Casserole de moules, de Marcel Broodthaers, qui représente comme son nom l’indique une immense casserole en noir et blanc remplie de fruits de mer. Le médium, photographie sur toile sensibilisée, en fait une nature morte énigmatique et désincarnée sous le prisme de la reproductibilité technique. Dans un registre similaire, une vidéo intitulée « Les Snuls » montre deux gros plans sur deux hommes en train de balancer des insultes flamandes aux sonorités désuètes. La voix de Jacques Brel, lyrique et espiègle, chantonne « Bruxelles, Bruxelles » dans une vidéo en noir et blanc, qui montre toute la puissance tragi-comique de l’immense chanteur belge.
Un doux parfum de zwanze flotte sur ces installations: ce mot désigne l’esprit frondeur et canaille qui confère aux habitants de la capitale européenne des relations humaines et spontanées, à l’opposé de la froideur habituelle des grandes villes. Irrévérencieux rime avec bruxellois, sinon comment expliquer le succès emblématique du Manneken-Pis, cette fontaine en forme de gamin en train de faire pipi? Plusieurs artistes se sont emparés de cette sculpture, c’est le cas de Thomas Lerooy qui a reproduit le Manneken-Pis en bronze en le coiffant d’une tête de mort dorée, sorte de vanité rigolarde et burlesque.
D’autres en ont fait l’étendard de la liberté comme le caricaturiste Dubus: son dessin représente un petit garçon bien amoché, campé sur les décombres de Bruxelles après les attentats de 2016. Le petit garçon est en train de pisser négligemment, l’air de dire j’en ai bavé mais je m’en fous la vie continue. « Toujours debout » s’exclame le Manneken-Pis de Dubus. C’est un peu ça, finalement, l’esprit bruxellois: une incroyable envie de vivre qui renverse tout sur son passage et qui en fait une des villes les plus dynamiques en terme de renouveau artistique.
BXL Universel, Centre Wallonie-Bruxelles de Paris, jusqu’au 3 septembre
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