Sur le dixième album de PiL, l’ancien chanteur des Sex Pistols, John Lydon, retrouve une verve toujours intacte. Critique et écoute.
Soyons clair : depuis son avènement en tant qu’antéchrist punk, Lydon a maintes fois démontré qu’il n’avait strictement rien à dire de bien captivant sur la vie, le monde ou ses semblables. En gros, tout est pourri (rotten) ici-bas, et d’ailleurs no future bla bla bla… Quant à faire l’effort d’aimer son prochain, il suffit d’écouter Know Now pour comprendre que, décidément, c’est pas son truc.
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Comme le disait Cioran : “Est-ce qu’un virus a la faiblesse d’aimer un autre virus ?” Dans le morceau Shoom, attendez-vous aussi à recevoir un énième et spectaculaire inventaire de ce qui nourrit aujourd’hui comme hier son exécration fondamentale : “Le sexe c’est nul, le succès c’est nul, les humains sont nuls, vous êtes nul”, etc.
Pourtant, à ce dégoût essentiel désormais édifié en posture, on doit admettre qu’il a toujours su donner un style, et surtout une voix d’une impressionnante théâtralité, pouvant passer des éructations d’un clochard entre deux vins aux vocalises d’un baryton d’opéra atteint d’encéphalopathie spongiforme aiguë. On apprécie tout particulièrement ces nuances auxquelles il soumet son organe, ces “r” roulés jusqu’à la glotte, ce penchant pour le rauque, le caverneux, le guttural peaufiné à l’extrême au point d’approcher, sur l’excellentissime Corporate, son maître Captain Beefheart.
Mais le talent de Lydon ne se limite pas, loin s’en faut, à sa manière faubourienne et hyper expressionniste de chanter. Il possède également l’art de s’entourer. Avec Lu Edmond à la guitare et Scott Firth à la basse, il parvient à nous faire oublier l’heureux compagnonnage de l’époque Metal Box où, flanqué de Keith Levene et Jah Wobble, il s’affranchissait des derniers académismes rock pour s’aventurer dans un no man’s land entre zone post-industrielle kraut et ghetto-dub. Un terrain qu’il occupe aujourd’hui encore avec une exaltation mégalo, comme si c’était un royaume sur lequel il veillait jalousement.
Au fond, ce n’est pas tant maudire le monde qui rend le personnage encore intéressant aujourd’hui (tout est résumé dans la tirade finale “what the world needs now is another fuck off”) que la féroce jubilation qu’il emploie à le faire.
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