Comme dans de nombreux pays à travers le monde, la jeunesse gabonaise se tourne de plus en plus vers les mélanges alcool/médicaments. Un phénomène qui s’apparente à une véritable plaie nationale.
Lancée il y a quelques années aux États-Unis avec la lean, la mode des médicaments à usage récréatif atteint peu à peu le reste du monde. Désormais présente au Gabon, celle-ci fait des ravages auprès des jeunes de Libreville, sous le nom de « kobolo ». Notamment à l’école, où certains enfants commencent à se droguer de plus en plus tôt, comme le relate cet article du Monde.
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Un opiacé de synthèse méconnu
« Ça commence dès la sixième, dès 12-13 ans, on voit les enfants littéralement changer de peau, devenir agressifs et violents sous les effets de ce kobolo, qu’on trouve régulièrement en fouillant dans les cartables. Le pire c’est que les élèves ne font pas que consommer, ils vendent », déplore une enseignante de la capitale interrogée par Le Monde.
Sur le même principe que les anxiolytiques, le « kobolo » est un médicament anti-douleur, connu sous le nom de Tramadol. « Un opiacé de synthèse, plus proche de la codéine que de la morphine », explique l’addictologue Bertrand Lebeau, contacté par Les Inrocks. « Il existe sous deux formes différentes; soit seul, soit associé avec du paracétamol. Historiquement, il est apparu en Angleterre et en Hollande pour remplacer les médicaments à base de dextropropoxyphène. »
Pas cher, mais puissant
Relativement contrôlé en France -où il est très souvent prescrit après des opérations chirurgicales-, il l’est en revanche beaucoup moins au Gabon. Le prix de la pilule y est compris entre 250 et 500 FCFA (soit 40 et 80 centimes d’euros).
Et comme leurs homologues Égyptiens, les jeunes Gabonais de Libreville en consomment de plus en plus pour planer, même si le pays n’a pas une grande « culture » de la drogue. « On sous-estime beaucoup l’appétence et la dépendance qu’engendre sa consommation. En France, il y beaucoup de gens accros, le tramadol est très facilement prescrits par les médecins », poursuit Bertrand Lebeau.
Perturbation du système nerveux
Et les dégâts sont d’autant plus dommageables lorsqu’il s’agit d’enfants ou de jeunes adolescents. « Le tramadol, comme toutes les substances psychoactives, perturbe le système nerveux. Or, à cet âge là, celui-ci n’est pas encore arrivé à maturité. Des enfants aussi jeunes qui se droguent, c’est dramatique. Ce sont des conditions particulières, le facteur principal n’est pas lié à la drogue, mais plus au fait qu’ils soient livrés à eux-mêmes », développe Bertrand Lebeau.
Associés avec de l’alcool, ces comprimés sont encore plus puissants, et dangereux. « Comme tous les psychotropes, cela potentialise les effets de l’alcool; ils ne s’additionnent pas, mais se multiplient », avance l’addictologue.
« L’héroïne du pauvre »
Surtout qu’ils déclenchent des comportements violents chez les jeunes; plus une semaine ne passe au Gabon sans une agression au couteau entre écoliers, des bagarres de grande ampleur, et -parfois même- des meurtres. « À long terme, le paracétamol (présent dans la plupart des médicaments contenant du tramadol, ndlr) est toxique pour le foie. De plus, il y a une vraie dépendance physique avec le tramadol, qui créé un manque pouvant déclencher un comportement agressif. »
« C’est un peu l’héroïne du pauvre. Il provoque de l’euphorie et procure une sensation agréable. Ce n’est pas un opiacé sous les projecteurs, pourtant beaucoup de médicaments contiennent du tramadol », conclut Bertrand Lebeau.
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