A 1 300 kilomètres du pôle Nord, en plein mer de Barents, cet ensemble d’île au nom mystérieux fascine voyageurs et expatriés, malgré des conditions climatiques extrêmes.
Il paraît qu’on peut tomber malade du Svalbard. Ce phénomène a même un nom, le “Svalbard bug”. Il suffirait d’un séjour, d’un simple aperçu de ses côtes glacées pour se piquer d’une idée fixe : revenir. Pourtant, le premier contact avec cet archipel n’a rien de séduisant, particulièrement en novembre, quand le soleil cesse de se lever. La lumière du matin est bleutée mais il fait nuit le reste de la journée et, dans les rues quasi vides de sa capitale, Longyearbyen, où s’alignent cafés, restaurants et boutiques de vêtements chauds, tout semble aller au ralenti.
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C’est donc à cela que ressemble la vie près du pôle Nord, quelques artères commerçantes, comme dans n’importe quelle petite ville scandinave ? On est forcément un peu surpris, étant donné la vision lunaire qu’offre l’archipel depuis l’avion : des rangées de montagnes grises et pointues, sans traces de vie ni de présence humaine, presque une autre planète perdue dans les brumes des mers du Nord.
Le far west du grand Nord
Longyearbyen n’est donc pas une ville comme les autres et son existence même tient du miracle. L’un est climatique – le Gulf Stream – et l’autre, humain, tient à cette inéluctable attraction pour le Svalbard. En 1901, l’homme d’affaires John Munro Longyear visite l’archipel et en tombe fou amoureux.
Il trouve une raison de revenir quelques années plus tard, en créant sa propre compagnie minière pour exploiter des gisements de charbon. Dix maisons sont alors construites à l’emplacement de ce qui deviendra la plus grande ville de l’archipel : Longyearbyen.
L’être humain n’a pas sa place au Svalbard et c’est ce qui, paradoxalement, fait tout son charme. Comme le Far West, ses îles ont attiré au fil des siècles des milliers d’aventuriers venus y chasser les baleines, les renards arctiques ou rechercher des passages vers l’Asie ou le pôle Nord. Et même si leurs conditions de vie – ou plutôt de survie – étaient beaucoup plus rudes qu’aujourd’hui, il reste quelque chose de cet esprit pionnier.
Une fierté certaine de l’histoire de l’archipel tout d’abord, célébrée au musée du Svalbard et dans les cafés et restaurants de Longyearbyen, qui, comme le Karlsberger Pub, affichent tour à tour des décorations en peau de phoque et des photos de trappeurs et de mineurs.
Au cœur d’un glacier dans un silence absolu
Mais aussi une grande joie à braver le blizzard lorsque les éléments se déchaînent, qu’il est presque impossible d’avancer à pied, et que les touristes peuvent eux aussi expérimenter en cas de (mal)chance avec la météo.
Parmi les nombreuses activités “outdoor” proposées, la visite du glacier prend une dimension particulière lorsqu’on s’enfonce dans la neige jusqu’au genou et qu’on ne voit pas à cinq mètres devant soi. On lutte, en se demandant ce qu’on fait ici, au milieu de nulle part, à galérer dans le froid et l’humidité, lorsqu’apparaît l’entrée d’une galerie par laquelle on peut se faufiler à l’intérieur du glacier, dans un silence absolu et sous la lueur irréelle des stalactites…
Et s’il y a bien des merveilles au Svalbard, on sent qu’il est facile de s’y sentir à l’étroit… Longyearbyen ne compte que 2 100 habitants (sur les 2 600 de l’archipel, grand de 61 000 kilomètres carrés) et on ne peut circuler entre les quelques localités qu’en motoneige, en bateau ou en hélicoptère. Il est interdit de sortir d’une agglomération sans arme, en cas de rencontre avec un ours polaire : ici, la nature reprend toujours ses droits.
Douceur de vivre
Malgré ces conditions de vie restrictives, il règne une agréable douceur de vivre au Svalbard, quelque chose qui fait que l’on se sent très vite chez soi. Les résidents se connaissent, se font mutuellement confiance et ferment rarement les portes de leurs maisons et de leurs voitures. Tous ont choisi d’habiter ici : l’archipel est norvégien depuis 1920, mais toutes les nationalités peuvent s’y installer, à condition d’avoir des revenus suffisants et bien sûr une bonne santé à l’épreuve des lieux.
Certains ne font que passer et s’y arrêtent le temps d’une saison touristique. Les autres, ceux qui ont attrapé le virus, trouvent toujours un moyen de revenir, comme Robert Johansen. Cet ancien mineur et pilote d’avion a créé la Svalbard Bryggeri, la brasserie la plus septentrionale du globe, après avoir passé cinq ans à harceler les autorités norvégiennes pour faire changer une loi qui interdisait de brasser de la bière au Svalbard. Une folie douce qui témoigne de son amour pour l’archipel, où il a passé trente ans : “Je voulais donner quelque chose en retour à l’île. Nous ne produisions rien, je voulais que nous fabriquions quelque chose à nous.”
A Longyearbyen, on raconte aussi l’histoire d’un journaliste britannique, lui aussi irrémédiablement tombé malade de ce bout du monde, et qui fait aujourd’hui tout pour y rester, même si son logement a été emporté dans une avalanche… Il existe un test très simple pour savoir si l’on est, comme lui, atteint du “Svalbard bug” : si l’on arrive le cœur serré à l’aéroport de Longyearbyen ou si l’on se prend à regretter le blizzard de l’Arctique bien au chaud chez soi, pas de doute, il faudra revenir.
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