L’acteur américano-suédois est la star du nouveau blockbuster science-fictionnesque de Netflix, « Altered Carbon ». Il est pour nous revenu sur sa carrière et sur le tournage de cette ambitieuse série transhumaniste.
Du haut de ses 1m89, Joel Kinnaman est en train de se faire un place parmi les acteurs aussi beaux que sculpturaux qui dominent aujourd’hui le cinéma d’action américain. A 38 ans, ce comédien passé par The Killing, House of Cards et encore Suicide Squad (2016) et RoboCop (2014) se glisse ici dans la peau de Kovacs, un super guerrier du futur dont l’esprit (stack en anglais) est placé dans un nouveau corps (sleeve) pour résoudre le meurtre d’un riche propriétaire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://www.youtube.com/watch?v=dhFM8akm9a4
« Si vous ne deviez garder qu’un seul souvenir dans votre stack, que choisiriez-vous?
Je pense que je retiendrais le jour où j’ai été accepté en école de jeu. C’est clairement le jour le plus heureux de ma vie. Lorsque j’ai découvert le métier d’acteur, ça a changé mon existence. Je suis enfin devenu moi-même. Pour la première fois, ma vie avait un sens. Plus jeune, j’étais très éparpillé, je sortais beaucoup et prenais trop de drogues. Je n’avais suivi aucune formation et lorsque j’ai découvert ce métier, je me suis dit que je pourrais enfin être bon à quelque chose. Mais je ne savais pas si j’arriverais à en vivre. Les écoles de jeu en Suède sont très difficiles d’accès, seuls 10 candidats y sont acceptés sur plus de 200 demandes. Cela semblait impossible alors lorsque j’y ai été reçu, ça a confirmé le fait que j’étais fait pour devenir acteur.
Avez-vous grandi dans un environnement particulièrement axé sur la culture?
En partie, ma soeur est très tôt devenue actrice. Elle était assez connue en Suède. Elle sortait avec Daniel Bergman, le fils d’Ingmar. Il tournait une série et j’ai pu grâce à elle y obtenir un rôle à 10 ans. Sinon je regardais des films américains avec mon père, ce qui était une façon d’intérioriser la culture de ma seconde patrie. Mais mes parents n’étaient pas vraiment férus d’art en général.
Comment se sont-ils rencontrés?
Mon père a déserté la guerre du Vietnam. Il s’est d’abord échappé au Laos où il est resté pendant 5 ans puis il a fui vers la Suède. Il y a rejoint le mouvement anti-guerre au sein duquel ma mère militait aussi. Ils se sont rencontrés lors d’une manifestation.
Partagez-vous leur position anti-guerre?
Oui, pourtant je ne suis pas pacifiste. J’estime que nous devons parfois utiliser la violence pour la bonne cause. Mais je pense aussi qu’on ne nous révèle pas les véritables motivations qui se cachent derrière la plupart des conflits armés, motivations qui sont avant tout économiques.
Vous vivez dorénavant à Los Angeles, est-ce que la Suède vous manque?
La sincérité et l’honnêteté des suédois me manquent oui, même s’ils peuvent aussi être trop timides et froids par moment. Mais la dureté des rapports sociaux à Los Angeles est exagérée. J’adore LA, même si j’ai mis du temps à m’y sentir à l’aise. Aujourd’hui je vis à Venice, qui est un quartier de plagistes, bien plus décontracté qu’Hollywood.
Avez-vous des acteurs qui vous inspirent particulièrement?
J’ai vu ses films un million de fois mais à chaque fois que je regarde Marlon Brando, j’apprends quelque chose. Il y a aussi les films de jeunesse de De Niro et tous films de Guy Pearce. Daniel Day-Lewis m’impressionne aussi, même si son implication démesurée dans ses rôles ne me correspond pas.
Vous avez beaucoup tourné dans des films d’action, est-ce votre genre de prédilection?
En tant que spectateur, les films d’action sont vers ce quoi je me dirige naturellement. Je gravite autour de projets de films que j’aimerais voir en tant que spectateur. Mais j’aime aussi les drames, c’est un genre que j’aimerais plus explorer à l’avenir.
Etes-vous sensible au travail de Bergman?
Oui, je n’ai pas vu tous ses films mais c’est un génie. Si l’aspect controversé de son oeuvre, notamment sur la question de la religion, me touche peu dans la mesure où je suis complètement agnostique, j’apprécie la sublime esthétique de ses films. Mes préférés sont Persona et Fanny et Alexandre, moins Le Septième Sceau que je regarde un peu comme on suivrait une leçon tant visuelle qu’historique.
Lola Versus, où vous interprétez le rôle du petit ami de Greta Gerwig, est votre seule comédie. Alors qu’au regard de votre attitude dans la vie, il me semble que vous adorez faire de l’humour. Avez-vous l’impression d’être un acteur de comédie prisonnier d’un corps fait pour les films d’action?
Oui un peu. J’adorerais faire des comédies. Je suis si sérieux dans Altered Carbon alors que c’est vrai que j’aime plaisanter au quotidien. En revanche, The Killing avait une petite dimension humoristique par moment. J’espère pouvoir expérimenter ça dans le futur.
Dans quelle mesure vos précédents rôles dans The Killing, RoboCop et Suicide Squad vous ont-ils aidé à préparer votre personnage de Kovacs dans Altered Carbon?
C’est vrai que ces rôles ont plusieurs points communs avec le personnage de Kovacs (ndlr. il y joue successivement un enquêteur, un humain modifié par la science et un militaire). Ils m’ont engagé sur un chemin qui m’a naturellement amené à ce rôle de Kovacs. Mais je le pousse avec Altered Carbon dans une dimension supérieure, un niveau où je suis capable de faire toutes mes cascades moi-même. C’était aussi la première fois que j’avais à ma disposition une aussi longue période de préparation. Pendant six mois, je me suis entraîné cinq heures par jour. Je faisais de la gymnastique et des arts martiaux.
Comment êtes-vous arrivé sur ce projet?
J’ai directement été contacté par la production et j’ai lu le script. J’étais très impressionné par l’univers mais je me demandais comment il serait possible de réaliser un projet d’une telle ambition à la télévision. On m’a ensuite démontré à quel point les moyens que nous avions à notre disposition correspondaient à l’ambition qui se dégageait du script.
Etiez-vous familier de Blade Runner avant d’arriver sur ce projet?
J’adore ce film! Altered Carbon lui doit manifestement beaucoup. J’aime aussi beaucoup Blade Runner 2049. Pour moi, Denis Villeneuve est un génie absolu. La photographie du film est incroyable! J’espère sincèrement que Roger Deakins (ndlr. le chef opérateur de Blade Runner 2049) aura son premier oscar pour son travail sur ce film, il le mérite vraiment.
L’omniprésence des effets spéciaux était-elle gênante pendant le tournage?
Non pas du tout. J’ai été au contraire impressionné par le faible recours au CGI. Le plateau était d’un réalisme incroyable. J’ai fait quelques gros films mais je n’avais jamais vu ça avant. Il occupait la surface de trois terrains de football. C’était une vraie petite ville, sur trois niveaux, avec des ponts, des appartements, des restaurants de noodles où les gens faisaient véritablement à manger, des marchands de rue, 450 figurants grouillant de partout, et tout cela sous une pluie artificielle. L’immersion était totale.
La particularité du rôle de Kovacs est qu’a l’instar d’un acteur qui endosse au cours de sa carrière plusieurs rôles, il est interprété par trois acteurs différents. Comment avez-vous composé avec cette dimension plurielle de l’enveloppe du personnage?
J’avais l’avantage d’avoir la priorité. Les deux autres acteurs qui jouent Kovacs se sont inspirés de mes manières, de ma façon de parler et de bouger pour rendre le transfert de personnalité crédible. Nous avons eu de très intéressantes discussions tous les trois. Je leur donnais des astuces sur mon jeu. Je trouve aussi très intéressant d’explorer les relations entre corps et esprit. Les neurologues remettent de plus en plus en question l’idée selon laquelle le cerveau concentre toute l’intelligence et qu’il commande un corps qui n’est qu’un outil dépourvu de toute intelligence. J’aime l’idée selon laquelle le corps dispose de sa propre intelligence. Cela signifie que si mon stack était placé dans une autre sleeve, je serais aussi une version nouvelle de moi-même, à cause de ce nouveau corps.
La vision futuriste d’Altered Carbon vous semble-t-elle réaliste?
Je pense que les changements futuristes proposés par la série pourraient survenir bien plus tôt qu’on ne le pense. La technologie progresse si vite aujourd’hui. Cela m’effraie et m’excite en même temps. Le transhumanisme est inéluctable, il est déjà en marche.
Une autre particularité d’Altered Carbon est sa vision très crue de la nudité associée à la violence. N’avez-vous pas peur qu’elle heurte le public, qu’il finisse par trouver la série complaisante et même peut-être misogyne à cet égard?
Je considère que la série est assez égalitaire en terme de répartition de la violence et de la nudité. Femme et homme s’y font tabasser avec la même régularité. Le véritable sujet d’Altered Carbon est justement ce caractère jetable du corps humain. Il décrit un univers où la souffrance perd du même coup son sens.
Si vous pouviez changer de sleeve, quel corps choisiriez-vous?
Si j’avais le choix, j’aimerais transférer mon esprit dans le corps de LeBron James. Ses capacités physiques et sa longévité m’impressionnent. »
{"type":"Banniere-Basse"}