Le mandat de Mathieu Gallet à la tête de Radio France a été révoqué par le CSA. Saluée par l’exécutif, la sanction inquiète en revanche les syndicats, à l’heure des réformes gouvernementales sur l’audiovisuel.
Mercredi 31 janvier, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé de retirer son mandat au Président de Radio France, Mathieu Gallet. Depuis sa création en 1989, c’est la première fois que les membres du conseil démettent de ses fonctions un président de l’audiovisuel public. « Il importe que les relations d’échange et de dialogue entre les représentants de l’Etat et le président-directeur général de la société soient denses, confiantes et permanentes, dans un contexte de réforme majeure de l’audiovisuel public annoncée par le pouvoir exécutif », ont-ils justifié. La décision prendra effet le 1er mars 2018.
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Des raisons déontologiques
Une enquête inédite avait été ouverte le 17 janvier, suite à la condamnation de Mathieu Gallet le 15 janvier à un an d’emprisonnement avec sursis et de 20 000 euros d’amende pour « favoritisme » lorsqu’il était à la tête de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), de 2010 à 2014. Il lui est reproché d’avoir accordé plus de 400.000 euros à deux sociétés sans avoir respecté les règles des marchés publics. Un jugement auquel il a fait appel.
Malgré le fait qu’il ait ainsi plaidé son innocence et mis en avant un bilan avantageux de sa présidence à la tête de Radio France, les bonnes audiences de France Inter et France Culture, le CSA s’est montré inflexible : « Le Conseil est particulièrement sensible aux questions de déontologie, de prévention des conflits d’intérêts et de moralisation de la vie publique qui sont des préoccupations fortes des citoyens et des pouvoirs publics. »
Devoir d’exemplarité
Une décision saluée par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. « L’exemplarité des dirigeants des entreprises est nécessaire. C’est une condition absolue de bonne gouvernance et de légitimité des services publics et des acteurs qui en sont responsables », a t-elle déclaré dans un communiqué.
Invité sur France Inter, jeudi 1 février, Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, lui a emboîté le pas en réaffirmant la primauté d’une décision « peut-être injuste » mais qui reste « une décision de justice ». Et a confirmé que « le gouvernement travaille effectivement sur un texte de loi pour l’audiovisuel public pour la fin de cette année. » Un chantier compliqué compte tenu de l’absence d’un de ses plus importants représentants dont aucun successeur n’a encore été annoncé officiellement.
Audiovisuel public || @CCastaner commente la révocation de Mathieu Gallet pic.twitter.com/lGzxcBxxOy
— France Inter (@franceinter) February 1, 2018
Cette réforme pourrait néanmoins modifier le processus de nomination des présidents des groupes audiovisuels publics, à ce jour orchestré par le CSA, et potentiellement délégué aux conseils d’administration de l’entreprise concernée à l’avenir. Une décision qui transformerait les rapports de force au sein des institutions et la position du Conseil qui s’est retrouvé dans le cas de M. Gallet pris entre une exigence d’impartialité vis-à-vis d’un responsable qu’ il a lui-même nommé et le risque d’être accusé de céder à la pression gouvernementale.
« Il s’agit d’une décision politique » qui répond à la prise de position de Françoise Nyssen et conduit à une « autoflagellation du CSA », a en effet souligné Alain Duhamel au micro d’RTL ce matin. Avant de rappeler que si les relations entre le gouvernement et l’audiovisuel public ont toujours été compliquées, « Emmanuel Macron a un jugement très sévère sur l’audiovisuel public et que [par conséquent], il intervient. »
Une situation « périlleuse »
Du côté des syndicats, les inquiétudes sont nombreuses quant à l’avenir du service public, privé d’un de ses représentants de premier plan, à l’heure des discussions avec l’exécutif. Selon le syndicat national des journalistes (SNJ) de Radio France la révocation de Mathieu Gallet place le groupe « dans une situation aussi inédite que périlleuse, à l’heure où l’Etat veut profondément réformer l’audiovisuel public. […] Aujourd’hui sans capitaine, le navire Radio France, qui pourtant affiche des résultats d’audience exceptionnels, n’a plus ni gouvernail, ni boussole », a-t-il expliqué dans un communiqué.
Une décision qui advient « au pire moment », a confirmé Philippe Ballet, délégué syndical UNSA de Radio France sur franceinfo. Mathieu Gallet « était légitime pour défendre le contrat d’objectifs et de moyens qu’il avait signé avec l’Etat », estime-t-il. Le SNJ demande, à cet égard « l’interruption des discussions sur l’avenir de l’audiovisuel public jusqu’à ce que Radio France ait retrouvé un dirigeant légitime », précisant qu’aucun intérimaire ne peut « raisonnablement engager l’avenir et l’existence même de l’entreprise ».
Un avenir incertain
Dans l’attente d’un successeur, c’est le doyen des administrateurs de Radio France qui devrait gérer l’intendance, à savoir Jean-Luc Vergne, 69 ans, ancien directeur des ressources humaines de PSA Peugeot Citroën, si ce dernier accepte la mission auprès du CSA.
La nomination d’un nouveau président qui n’interviendra pas avant six mois pourrait conduire M. Vergne à prolonger son intérim jusqu’à la fin officielle du mandat de M. Gallet en mai 2019.
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