La consommation de crack s’amplifie et se diversifie. L’Etat, en faisant la chasse aux usagers, se contente de déplacer le problème.
Le 26 septembre à Saint-Ouen, une fusillade liée vraisemblablement au trafic de stupéfiants a fait deux morts. Retour sur un département, la Seine-Saint-Denis, et sur un quartier, celui de la gare de Saint-Denis, qui depuis quelques mois est devenu la principale plaque tournante de deal et de consommation de crack en Ile-de-France. “Depuis dix-huit mois, aux abords du canal qui jouxte la gare de Saint-Denis, on voit défiler toute la journée et une bonne partie de la nuit des toxicomanes en état d’errance”, explique Galla Bridier directrice du quartier République-Gare à la mairie de Saint-Denis.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les effets du crack – composé de cocaïne coupée au bicarbonate ou à l’ammoniac – étant de courte durée, de cinq à vingt minutes environ, on parle à leur sujet du “syndrome de la poule” qui pousse les usagers de drogues à picorer, parfois à même le sol, à la recherche du moindre éclat de crack. Le profil de ces consommateurs en grande détresse : une population jeune qui a tendance à se diversifier. Alors qu’au départ, le crack touchait essentiellement des individus désocialisés, souvent d’origine afro-caribéenne, on compte aujourd’hui de plus en plus de femmes et d’hommes insérés socialement.
Les raisons de cette “implantation” à ciel ouvert sont multiples : il y a d’abord l’expulsion, il y a un an et demi, du principal squat de toxicomanes de Saint-Denis qui a mis à la rue une centaine de consommateurs, le “nettoyage”, ensuite, des quartiers Château-Rouge et La Chapelle à Paris qui ont conduit les toxicomanes de l’autre côté du périphérique.
Pour la mairie de Saint-Denis, les friches industrielles et l’insalubrité de nombreux bâtiments à proximité de la gare constituent un terrain propice. “La mairie de Saint-Denis mise sur une politique en trois volets : un volet répression envers les trafiquants, basé sur un travail de fond de la police pour remonter les filières d’approvisionnement, un volet consacré à la résorption de l’habitat insalubre et un volet qui comprend l’accompagnement sanitaire et social des usagers de drogues, détaille la directrice du quartier. Nous défendons également le projet d’ouverture d’un lieu d’accueil permanent des usagers de drogues où ils trouveraient refuge, conseils, soins et orientation.”
Le 22 septembre, la venue du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, alerté par un article du Parisien, a mis le feu aux poudres. A l’issue de sa visite, ont été décidé l’ouverture permanente de l’antenne de police sur le parvis de la gare, la mise en place d’une quinzaine de caméras de surveillance supplémentaires et l’affectation de renforts pour sécuriser le quartier. Résultat, dealers et consommateurs se sont déplacés dans le centre-ville. Comme si cette stratégie d’exil permanent faisait aujourd’hui écho à l’errance sans fin des fumeurs de crack.
{"type":"Banniere-Basse"}