A l’occasion de la troisième édition des Assises du journalisme qui a débuté le 7 octobre à Strasbourg, Jean-Marie Dupont, ancien journaliste au Monde, évoque le projet de charte de déontologie sur lequel il travaille en compagnie de 11 autres sages.
La troisième édition des Assises du journalisme a commencé ce matin à Strasbourg. Parmi les sujets évoqués par la profession jusqu’à vendredi, celui d’une charte de déontologie s’avère récurrent. Pour élaborer un premier texte, une commission de « 11 sages » a été formée par le journaliste et patron de presse Bruno Frappat, à la suite des Etats généraux de la presse. L’un de ses membres, Jean-Marie Dupont, ancien journaliste au Monde et président du CLEMI – Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information- a présenté les travaux de la commission aux assises.
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Certains journalistes parlent de la profession comme « d’une maison qui brûle », avec pour seul Canadair en vue ce projet de charte. Pourquoi est-il devenu urgent de réfléchir sur la déontologie ?
Le public a de moins en moins confiance dans les journalistes et dans la presse. Quand on l’interroge sur : « est-ce que les faits se sont passés selon la description des journalistes ? », quasiment un Français sur deux dit non. Avec cette charte, nous prenons au sérieux notre métier, en fixant des règles de fonctionnement strictes. Ensuite, avec la révolution numérique, il est temps d’« actualiser » ce qui concerne le recueil et traitement de l’information dans une société où tout le monde se prétend journaliste. Les journalistes eux-même réclament plus de clarté. Avec la crise économique qui détériore un peu plus les conditions de travail, le respect de la déontologie est fragilisé.
Mais plusieurs textes encadrent déjà la profession de journaliste : une charte des devoirs professionnels des journalistes français adoptée en 1918 puis la déclaration de Munich datant de 1971. Qu’est-ce que cette charte, encore en négociation, a de plus ?
Les deux chartes précédentes sont de grandes déclarations approuvées par les représentants de la profession, les syndicats. La charte que nous préparons devra être signée par les syndicats de journalistes mais aussi par les patrons de presse. Tous devront s’engager, en la signant, à la respecter. Cette charte ou plutôt ce code de déontologie, est voué à devenir les « 10 commandements » du journaliste, qui s’adressent à la profession quel que soit l’endroit où elle se pratique.
Comment définit-elle le métier du journaliste en 2009 ?
Un journaliste est quelqu’un qui recueille l’information, la vérifie, la hiérarchise. Aujourd’hui, il faut répondre au problème de la traçabilité et de l’instantanéité de l’information qui pousse les rédactions à privilégier le scoop. La charte entend aussi répondre aux méthodes d’enquête « en caméra cachée ». Elle n’y autorise que dans des cas jugés « exceptionnels » et fixe trois conditions : que le journaliste demande l’accord de sa hiérarchie, qu’il donne un droit de réponse avant diffusion à ceux qu’il a piégés et enfin qu’il prévienne le public des méthodes utilisées.
Mais aucune sanction n’est prévue pour garantir l’application de cette charte ?
Non, cette question sera probablement réglée s’il y a signature de tous les partenaires. On s’oriente plus vers un système d’infractions rendues publiques annuellement. Pour qu’il y ait sanction ou constat de ces infractions, il faudrait un organisme indépendant, paritaire, dédié au respect de la charte. Ca pourrait être un Conseil de presse comme c’est le cas au Royaume-Uni ou la Commission de la carte, mais rien n’est encore décidé.
Et la place du public dans cette réflexion ?
Cette charte a une double vertu pédagogique : elle s’adresse bien sûr aux journalistes mais aussi au public, à travers la qualité de l’information recherchée. Il n’a pas été associé et ce pour une raison bien simple : comment fait-on ? C’est une notion trop générale. Le public s’exprime déjà par défaut, en privilégiant tel journal ou telle chaîne de télévision. Grâce à Internet, il livre aussi ses réactions aux journalistes. Si cette charte ne devait pas aboutir au sein de la profession, le grand public serait également notre dernier recours pour faire changer les choses.
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