Alors que le pacs fête ses dix ans, la droite a fait semblant de s’intéresser à l’égalité des droits homos-hétéros. Story.
L’opération « déringardisation » de la droite a-t-elle atteint ses limites ? Les députés UMP n’ont guère goûté le soutien de Kouchner et Frédéric Mitterrand au réalisateur Roman Polanski. Le député du Maine-et-Loire Marc Laffineur a sonné le premier le rappel à l’ordre : « Il a couché avec une jeune fille de 13 ans, ce n’est pas anodin. » Flairant le bon coup, Marine Le Pen a déterré l’autobiographie du ministre de la Culture (Mauvaise vie, Robert Laffont, 2005) dans laquelle il décrit avoir acheté les faveurs de garçons en Thaïlande. « Pédophile », s’insurge la boss du FN. Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, embraie et qualifie le livre de « choquant ».
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Après l’ouverture, le retrait des tests ADN, la taxe carbone, cette affaire est celle de trop pour une majorité heurtée dans ses valeurs. Le clan Sarko temporise. Le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, renvoie le FN et Hamon dos à dos. Sur Polanski, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a déclaré dans Le Figaro que Frédéric Mitterrand avait parlé avec « sa sensibilité ». Comprendre : pas celle de la majorité UMP. Mais cette affaire est du pain bénit pour les députés les plus conservateurs, opposés à la posture mondaine de Sarkozy. Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, fustige les politiques « qui succombent aux effets de mode ». Jean-Marc Nesme, député UMP de Saône-et-Loire, s’en prend à « la pensée unique du microcosme parisien et médiatico-politique ». En mars, avec Christine Boutin, ce député proche des milieux intégristes catholiques a renvoyé dans les cordes Nadine Morano. La secrétaire d’Etat à la famille « gay friendly » a dû remiser au placard les promesses du président en faveur des homos.
C’est Nicolas Sarkozy qui impulsa la « déringardisation » de la droite après le spectacle caricatural donné par les députés de droite lors du débat sur le pacs en 1999. Emmenés par Christine Boutin et sa Bible, ils versèrent dans une rhétorique homophobe tout en prophétisant « l’effondrement de la civilisation » : « barbarie », « zoophiles », « fossoyeurs de l’humanité », « Stérilisez-les ! ». Dans la rue, les manifestants intégristes scandaient « pédés au bûcher » et « les homos d’aujourd’hui sont les pédophiles de demain ». Roselyne Bachelot, seule député de droite en faveur du pacs, pleurait, humiliée par son camp sur les bancs de l’Assemblée.
Dix ans plus tard, plus personne à droite ne conteste le pacs. Même pas les ultras. Le juriste Daniel Borrillo (Le Pacs, les homosexuels et la gauche, La Découverte, 2002) traduit : « La droite donne des droits aux couples pour mieux fermer la filiation ». C’est le grand tabou français d’une droite conservatrice arc-boutée sur « la famille biologique » et « la naturalisation de la filiation » après sa défaite sur l’IVG et la peine de mort. Hervé Mariton affirme : « A l’UMP, nous considérons massivement que la définition de la famille est pour l’essentielle biologique ».
L’adoption du pacs marque un tournant à droite. Aux journées du RPR de 1999, Nicolas Sarkozy, secrétaire général du parti, appelle à se mettre « à l’écoute de toutes les différences ». Plus question de donner une image d’arrière-garde : la droite doit être moderne. Il sera aidé par une gauche traumatisée par la défaite de 2002, attribuée en partie à une orientation trop progressiste (pro-bobos, femmes et homos), loin des classes populaires. Le PS va se figer sur ces questions, ouvrant la voie à la droite. « La droite moderne occupe aujourd’hui la position de la gauche conservatrice de 99 », explique le sociologue Eric Fassin, spécialiste des questions de sexualité. Ce déplacement poussera une Ségolène Royal peu enthousiaste à inclure dans son programme présidentiel le droit au mariage gay et à l’homoparentalité. Reringardisant la droite.
Pour empêcher toute surenchère, le député Jean-Marc Nesme lance « une entente parlementaire »contre le mariage gay et l’homoparentalité, signée par 314 députés et sénateurs. Nicolas Sarkozy ne peut pas rester sans agir. Le sociologue spécialiste du pacs, Wielfried Rault (L’Invention du pacs, Presses de Sciences-Po, 2009), analyse : « Agir participe au discours de modernité, c’est se montrer moins défavorable qu’en faisant comme si cela n’existe pas ». Nicolas Sarkozy va jouer l’équilibriste entre la droite pro-homo et les cathos. Il fait deux promesses de campagnes a minima : créer une union civile et un statut du beau-parent. Deux coquilles vides selon l’avocate Caroline Mécary (Le Pacs, Delmas, 2008) : « Cette réforme du beau-parent c’est de l’affichage, comme toute la rhétorique sarkozienne. Elle n’apporterait qu’une modification procédurale du partage de l’autorité parentale telle qu’elle existe depuis 2002 ».
Pourtant, Boutin and co se sont dressés vent debout contre la réforme, s’insurgeant contre « la légalisation déguisée » de l’homoparentalité. « L’homoparentalité est leur dernière bataille », explique Jean-Michel Durand, président de l’association Gaylib (proche de l’UMP), « les intégristes ont perdu sur le divorce, l’IVG. Sur celle-là, ils iront jusqu’au bout ». Caroline Mécary estime possible que Nicolas Sarkozy ait laissé monter Christine Boutin au créneau contentant ainsi les conservateurs pour « être ensuite celui qui la tance » et paraître moderne.
Quant aux réformes, le député UMP Jean Leonetti, chargé d’une mission pour revoir le projet de loi sur le statut de beau-parent, a livré une version ultra-light la semaine dernière. L’union civile, dont personne ne veut, a disparu de la circulation. C’est « le paradoxe » de la droite sur ces questions : faire moderne sur la forme tout en restant conservatrice sur le fond. Si dix ans après le pacs, elle ne peut plus se permettre d’être homophobe sur la forme, elle l’est dans le fond, s’indigne Caroline Mécary, « en mettant le couvercle, en ne parlant pas des droits des homosexuels, d’égalité ».
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