La crise secoue aujourd’hui Le Parisien, comme elle fit rage à L’Equipe en 2008. Les salariés craignent que le groupe Amaury veuille imposer une info low cost.
Du côté du groupe Amaury, on fait le ménage. Il y a deux semaines, ce sont quatre dirigeants du Parisien qui ont été licenciés sans ménagement, dont Noël Couëdel, entré à L’Equipe en 1964 pour devenir directeur des rédactions du Parisien en 1998. Rappelé en 2008 pour être conseiller éditorial, il a donc été limogé le 23 septembre dernier. A l’initiative de cette purge : Marie-Odile Amaury, qui gère les intérêts du groupe depuis le décès de son mari en 2006. Officiellement, les dirigeants seraient démis de leurs fonctions pour cause de baisse des ventes (-4 % en 2009).
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Mais, initiative sans précédent, Noël Couëdel a envoyé un mail aux rédactions du Parisien et de L’Equipe. Il y écrit : « Le cynisme, la brutalité et l’incompétence sont les nouveaux repères des dirigeants de notre groupe. » Un ton qui atteste de la crise profonde entre la rédaction et les gestionnaires, et qui laisse sous-entendre, au-delà des données économiques, des divergences éditoriales majeures. Qui plus est, un plan de départs volontaires de 50 personnes est prévu pour cette année. Au Parisien, c’est l’inquiétude qui prévaut. « On se dit : s’ils sont capables de virer les dirigeants de cette façon, qu’est-ce qu’ils vont faire de nous ? », résume un journaliste. Sans compter que l’argument de la baisse des ventes paraît injustifié : « Le contenu du Parisien n’a pas changé, on continue à fournir beaucoup de scoops et d’exclusivités, plaide ce journaliste. Les baisses des ventes sont plutôt à attribuer au contexte de la crise de la presse. »
Une direction virée, un plan social en vue : il n’en fallait pas plus pour que se dessine le spectre d’un journal « low cost », soit une parution à effectifs et coûts réduits, dont le contenu serait revu à la baisse. D’autant que Le Parisien vient de connaître exactement le même scénario que L’Equipe en 2008, lorsque Marie-Odile Amaury avait licencié deux des dirigeants du journal pour cause de désaccord sur le projet de nouvelle formule. Selon David Garcia, auteur de La Face cachée de L’Equipe, l’éviction de Couëdel tiendrait à son refus du low cost.
En effet, le groupe Amaury avait lancé l’an dernier Aujourd’hui Sport, un quotidien sportif à faible coût, pour concurrencer le nouveau venu 10 Sport. Objectif atteint puisque le second est devenu hebdomadaire. Mais si Aujourd’hui Sport a cessé de paraître, beaucoup redoutent qu’il ait servi de laboratoire. Un modèle qui sonnerait pour la plupart des journalistes la fin d’une certaine presse. « L’Equipe fonctionne avec 300 personnes et produit des reportages dans le monde entier, explique David Garcia. Aujourd’hui Sport, c’est une équipe de 25-30 personnes avec beaucoup de reprises de dépêches. Mais l’objectif de la famille Amaury est clairement de tailler dans les coûts. »
Une stratégie d’autant plus surprenante que dans le contexte d’une presse quotidienne sinistrée, le groupe Amaury seul groupe de presse à vivre sur ses fonds propres fait plutôt figure d’exception : selon nos informations, il n’est pas endetté et se maintient sans perdre d’argent. Mais, depuis 2007, il est lui aussi victime de l’érosion générale du lectorat. David Garcia : « Pendant longtemps, L’Equipe était intouchable, c’était la vache à lait du groupe. Mais, depuis deux ans, les ventes ont diminué à cause notamment de la concurrence du net. Avant, quand on aimait le sport, on achetait L’Equipe sans se poser de questions. Aujourd’hui, les jeunes vont de plus en plus consulter les résultats sur des sites de foot. » L’effritement d’un monopole que la famille Amaury tenterait donc de stopper en faisant valser les dirigeants…
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