Une routine qui déraille, un étrange marché et un inconnu à trouver dans un train : le nouveau film de Jaume Collet-Serra est un passionnant jeu de dupes. Liam Neeson y est comme à son habitude excellent en daddy next door au potentiel de lion.
Réalisateur espagnol à l’oeuvre sous-estimée, Jaume Collet-Serra sort avec The Passenger son huitième long-métrage. Un tranquille père de famille (Liam Neeson) y prend comme chaque soir le train ralliant le centre de New-York à sa banlieue nord en passant par Manhattan et Le Bronx. Ce jour-là, une jolie inconnue vient s’asseoir à ses côtés et commence à flirter avec lui. Mais la prétendue drague s’évanouit vite et fait dérailler la douce routine vers l’imprévisible. Elle l’accule à accepter un étrange marché. En échange d’une importante somme d’argent, il doit identifier un passager mystère qui se cache dans le train avant que ce dernier ne rallie son terminus, et sans savoir ce qui arrivera ensuite à ce passager.
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Des films et des jeux
Avec ce thriller psychologique, Jaume Collet-Serra prouve la cohérence de son oeuvre faite de films-jeux. Sa première réalisation, l’horrifique La Maison de Cire (2005), s’appuyait sur un détraqué désirant étendre l’aspect cireux de ses poupées aux vivants. Le rapport avec le jeu du footbalistique Goal 2 : La Consécration (2007), se passe d’explications tandis qu’Esther (2009), son troisième film, puisait son épouvante d’une petite fille inquiétant son entourage de part son incapacité à jouer avec les autres enfants. Vient ensuite une salve de trois films avec Liam Neeson, Sans Identité (2011), Non-Stop (2014) et Run All Night (2015), répondant tous à une logique d’énigme à résoudre en un temps imparti ; respectivement, récupérer son identité volée avant de la perdre complètement, sauver les passagers d’un avion avant qu’ils ne soient tous mystérieusement assassinés et renouer avec son fils avec que celui-ci ne se fasse descendre par un caïd du crime organisé. Dans son dernier en date, le très angoissant et sensuel, Instinct de survie (2016), Blake Lively cherchait désespérément la meilleure tactique pour échapper au requin qui assiégeait le caillou de fortune sur lequel elle tentait de survivre malgré sa jambe lacérée une première fois par le squale. L’objectif de ses personnages dupés et/ou malchanceux est à chaque fois le même, détruire le maître du jeu.
Liam Neeson, la force tranquille personnifiée
A nouveau dindon de la farce concoctée par le réalisateur, Liam Neeson retrouve dans The Passenger son personnage de bon père de famille capable d’éternel retour en homme de la situation. Après avoir été placé dans une voiture accidentée (Sans Identité) et dans un avion en danger (Non-Stop), le voici donc dans un train piégé. Et l’acteur de la trilogie Taken n’a pas son pareil pour interpréter ce personnages passant du statut de victime expiatoire à celui de courageux combattant. Du haut de ses 65 ans, il est la force tranquille personnifiée. Avec The Passenger, il confirme que seul Bruce Willis (de trois ans son cadet) peut lui contester le titre de muse séculaire la plus tonique du cinéma d’action américain.
L’ombre d’Hitchcock ?
Mais au-delà de la belle performance de l’acteur, il serait indu de réduire Jaume Collet-Serra à la figure d’habile faiseur de films commerciaux reposant sur leur ludique scénario. En témoigne le fugace pouvoir d’évocation du film sur la menace terroriste et surtout sur les inégalités socio-économiques résultants de la crise économique. Si le dispositif de ce huis clos ferroviaire rappelle l’anxiogène Phone Game de Joel Schumacher (2002), la mise en scène et les thématiques déployées par Collet-Serra réveillent celles du maître du suspense. Lui aussi s’est pris de passion pour les véhicules et notamment les trains avec L’Inconnu du Nord-Express (1951) – intitulé qui aurait à plus d’un titre convenu à The Passenger – et Une femme disparait (1938). Lui aussi se plaisait à placer un monsieur tout le monde à l’intérieur d’une conspiration à déjouer. Comme Hitchcock, il a recours à un MacGuffin et à une extrême dilatation du temps pour tirer la quintessence d’un impeccable scénario. Même son acteur fétiche se donne par moment dans ce film des airs de Cary Grant aux abois. Collet-Serra n’a évidemment pas la même ampleur de geste mais, entre deux passages de film de train – on a sans regret raté Le Crime de L’Orient Express (2017) tandis que Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood arrive dans dix jours-, on aurait tort de ne pas monter à bord de The Passenger.
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