Jim Jones Revue était de passage à Paris le mercredi 28 novembre, pour une date unique au Trabendo. Les Inrocks en ont profité pour aller en apprendre un peu plus sur ce groupe de rock pas comme les autres. L’interview du quintet anglais est à découvrir ici, ainsi qu’un compte-rendu du concert illustré par des vidéos.
L’interview de Jim Jones Revue :
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Il y a beaucoup de groupes qui cherchent la sonorité fifties dans leur musique, sans jamais vraiment parvenir à se l’approprier. Comment arrivez-vous à capturer ce feeling, et en y mettant autant d’énergie ?
Jim Jones : On est là pour le business tu sais, on ne fait pas les cons, on n’est plus des gamins, on doit savoir ce qu’on fait et l’on sait comment le faire. Il y a des gens qui montent des groupes, mais ne cherchent qu’à faire la fête. C’est cool de faire la fête, mais on se doit de rester sérieux pour aller sur scène et balancer des jams, pour de vrai, pas juste pour le weekend, mais tous les soirs.
Rupert Orton : Je crois que c’est important de parler d’énergie, parce qu’il ne s’agit pas seulement de l’énergie que l’on déploie, mais aussi de l’énergie que la foule nous renvoie. C’est une relation à double sens, et quand cela fonctionne, comme c’est souvent le cas en France, c’est une sensation géniale. Tu arrive et tu fait bouger toute la salle. La nuit dernière on a fait un show à Angoulème, et c’était une situation semblable : « rock the house ». C’est tout ce qui nous importe. Je ne peux pas expliquer pourquoi tant de groupes échouent, mais quand Jim et moi avons décidé du projet, on ne s’est pas dit « On va faire du rock orienté fifties ». On s’est assis, et on a parlé de ce qui nous excitait dans la musique, et c’est par accident que tout ce qu’on aimait provenait de cette période. On s’est demandé : « Qu’est ce qu’il nous faut pour monter un groupe de rock’n’roll, qui regroupe tout ce qu’on aime, pour produire les meilleurs concerts qu’on n’ai jamais vu ? ». Les fifties apportaient beaucoup, mais d’autres idées sont venues des eighties. Certains groupes copient les vêtements, d’autres copient les guitares, mais ils ne retrouvent jamais l’âme, l’énergie du truc.
Jim : Je suis d’accord avec tout ce qu’il vient de dire. C’est ça qui est important. Même le musicien le plus doué, le plus sophistiqué, ne sait pas forcément jouer quelque chose de simple en y mettant de l’âme. Et d’autres ne savent juste pas jouer de leur instrument. Donc ceux qui ne savent pas, ne savent pas, et ceux qui jouent super bien ne savent pas être simples et directs en y mettant du leur. Certains ont les deux qualités, et ce sont les grands groupes de ce monde.
Donc pour l’album, vous avez pris la même direction ?
Rupert : Oui totalement. On s’est rendu dans la pièce d’enregistrement, et on l’a bousillée. On n’a pas essayé de faire un album qui sonne vieux, seulement on n’avait pas assez d’argent pour se rendre en studio. Certains morceaux ont pris cinq essais, et d’autres vingt-cinq. On a recommencé jusqu’à ce qu’on capture notre idée de la musique. Aujourd’hui on a tellement tourné qu’on arrive sur scène et on peut restituer cette sensation immédiatement, c’est devenu naturel.
Qu’est-ce que vous pensez du rock des années 2000 ?
Jim : Il n’y a pas grand chose de vraiment nouveau qui me vienne à l’esprit, mais je pense que les bons groupes ont compris ce que je disais tout à l’heure. Je crois que certaines personnes commencent à réaliser que peu importe les milliers que tu dépenses en production, ça ne résoudra pas le problème.
Rupert : Concernant les groupes que j’aime, il y a ces sortes de niches à travers le monde qu’on peut détacher du reste, dont quelques groupes aux Etats-Unis que j’aime vraiment. Ce soir on joue avec Honkey Finger que je trouve vraiment très bon.
Est-ce que vous aviez tous la même conception du rock quand vous vous êtes rencontrés ?
Rupert : Jim et moi oui.
Jim : Oui, on a parlé de ces moments qui paraissaient perdus, on se demandait : « Où est passé Little Richard ? ». Dans la plupart des genres, tu as des préférences, et tu peux aller à un concert pour voir un groupe qui a ce feeling. Dans notre cas, ce feeling paraissait passé à la trappe.
Rupert : j’écoute des groupes que je trouve pas mal, mais je me disais : « Pourquoi les Ramones ne peuvent pas venir exploser tous ces gens ? », ou quelque chose d’aussi excitant. Mais ce n’était plus là, alors je me suis mis en tête de prendre le taureau par les cornes et le faire moi-même avec quelqu’un d’autre. Et cette autre personne, c’était Jim.
Jim : Oui, on s’est dit : « On va mettre les pieds dans le plat, bande d’enfoirés ».
Rupert : On ne dit pas qu’on est meilleurs qu’un autre, simplement qu’il y a de la place pour nous, et que le monde a besoin de rock’n’roll au piano. C’est un honneur pour nous d’apporter cela à la musique. Notre degré d’engagement est très élevé, et cela est vrai pour tous les membres du groupe. Il y a souvent des groupes dans lesquels le batteur ne veut pas jouer les jeudis, alors que nous on n’a qu’une priorité : notre tournée.
Jim : Hey Hey Hey Hey a été notre catalyseur du début, le morceau qui nous a fait prendre la température pour savoir si ça marcherait. Il couvrait à peu près tout ce qu’on trouvait important pour notre musique. C’était un peu comme ouvrir la boîte de Pandore, tu n’es jamais sûr de ce qui va en sortir. Après ça on s’est regardé, et on s’est dit instantanément qu’on « tenait un tigre par la queue ».
Rupert : Très tôt, on a enregistré quelques répétitions pour voir, et un ami de Jim nous a demandé de jouer dans son club. A l’époque on n’avait que cinq chansons, mais on a fait ce concert, quelques semaines après avoir commencé à jouer. On a joué à guichets fermés et on s’est tout de suite dit qu’on prenait la bonne direction.
Jim : Depuis qu’on a ouvert cette boîte de Pandore, on joue presque tous les soirs. Et quand on ne joue pas, on enregistre. Il n’y a que des protéines, pas de graisse. Mais de la saveur…
Rupert : Hahaha, wow.
Quand on écoute l’album, on n’a qu’une envie, c’est de vous voir sur scène. C’était prémédité ?
Jim : Oui, on a enregistré très vite, j’ai fait le travail de mixage. Mes critères principaux étaient axés sur ça, de donner envie aux gens de nous voir sur scène. Je voulais que les oreilles de ceux qui écoutent crépitent au contact de la musique.
Rupert : Ce n’est pas comme si on s’était assis en studio pendant des semaines en se demandant : « comment on peut donner une sonorité live à l’album ». On est allé là-bas et on a joué en live, donc ce que tu entends sur l’album, c’est ce que tu as en live.
Jim : Tu ne peux pas séparer la batterie, la basse, etc.
Rupert : Beaucoup de gens disent qu’ils veulent ça, mais ne le font pas. Nous, oui. Tu viens nous voir, tu payes tes 10 euros ou quelque soit le prix. Nous on a notre matos réglé, sans gros projecteur, sans système d’enceintes high tech, on joue, et ça crée immédiatement le spectacle. C’est aussi simple que ça.
Vous avez des projets en cours ?
Rupert : Oui, beaucoup. On est au milieu d’une tournée française. On va finir notre tournée, et on va entamer une tournée phénoménale avec Jack White et son groupe The Dead Weather, qui nous a invité à le suivre. Puis on a une semaine de battement, et on repart sur une tournée avec Chuck Berry. C’est juste incroyable ce qui nous arrive. Ensuite on part en tournée en Hollande, on revient en Angleterre et on commence à enregistrer notre prochain album. On fait ça pendant l’hiver. Puis on revient en France fin janvier, on fait notre tournée anglaise puis on revient en France en juin pour l’été, pour être fin prêts pour la sortie de l’album, prévu pour l’automne prochain. Beaucoup de choses à faire. On va aussi aux Etats-Unis pour la première fois l’année prochaine.
Jim Jones Revue au Trabendo le 28 octobre au Trabendo de Paris
En amont de leur tournée avec Jack White et The Dead Weather, Jim Jones Revue prépare le terrain à grandes effusions de piano rock. A l’instar du susnommé, ces bulldozers anglais n’ont que faire des technologies pour ingés son 2.0, et n’ont besoin que de leur verve naturelle pour enflammer le public du Trabendo. Chevelure hirsute pour Jim Jones, banane rockabilly pour Rupert Orton, leur look ravageur ne paraît pas avoir été prémédité, mais s’est plutôt imposé à eux par le biais de leur musique, sauvage manifestation des pulsions les plus primaires du rock.
Car comme le fait si bien remarqué Jim Jones, ces cinq anglais azimutés ont un soir « chopé un tigre par la queue », et qui depuis paraît les trimballer à toute vitesse partout où ils passent. Comme ce soir à leur concert du Trabendo, qui avait pourtant commencé en eau de boudin avec une première partie mi-figue mi-raisin. Les gens s’entassent en terrasse avec leur bière, et Honkey Finger peine à fédérer son public, dispersé nonchalamment, un peu comme dans un colloque de commune pour une foire à la saucisse. Pour le coup le son est vraiment pourri, et les sceptiques commencent à bouder, tapant du pied parce que c’est « mou ». On les comprend un peu, et on ira boire une bière en terrasse en attendant les trublions. Peu importe, finalement, la machine qui déboulera sur scène quelques minutes plus tard est bien rodée, et n’aura besoin que d’elle même pour fonctionner.
La particularité des concerts de Jim Jones Revue, c’est en général qu’on n’en voit jamais le début ni la fin. Le piano fou d’Elliot Mortimer dévale des montagnes russes comme sur un vélo sans frein, et c’est tout le groupe qui le suit non-stop pendant 1h30. Jim Jones s’époumone vigoureusement au micro avec sa voix tout-terrain, qui réincarne d’un seul coup, et sans fioritures, les rouleaux compresseurs qu’étaient Little Richard et Jerry Lee Lewis. Pas plus, pas moins. Ca swingue, ça voltige comme les démonstrations de l’armée de l’air un 14 juillet, et c’est toute la fosse qui paraît emportée dans la même dynamique, implacable et inarrêtable, du quintet londonien. De Rock’n’Roll Psychosis à Cement Mixer, assénant leurs reprises épileptiques de Hey Hey Hey Hey et Good Morning Miss Molly du roi Richard, les fauves et leur piano démoniaque nous dévorent tout crus et sans assaisonnement : un tintinmarre virtuose, une bouffée d’air frais, un pavé fécond dans la mare stagnante du revival des fifties actuel.
Il n’en fallait pas plus pour voir le public actionner des moulinets de bras, se déhancher en cadence, et répondre avec un enthousiasme non dissimulé aux appels criard de Jim Jones. Celui-ci communique en permanence avec son public, haranguant avec des mimiques sexy, tantôt bourlinguant d’un côté à l’autre de la scène, tantôt sollicitant la fosse pour reprendre en chœur les paroles. Si l’autre Jim Jones aura emmené ses fidèles vers la mort en les contraignant à ingérer du cyanure de potassium à la fin des années 70, ce Jim Jones là montre pour sa part la voie vers une certaine rédemption du rock’n’roll, effectuant un retour salutaire vers sa plus pure tradition. Loué soit Jim Jones Revue.
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