Jérôme Garcin explore son arbre généalogique, essentiellement composé de médecins. Et rend hommage à son grand-père paternel, le neurologue Raymond Garcin.
Depuis près de vingt-cinq ans, Jérôme Garcin construit un travail littéraire multiforme, fait de biographies et de récits autobiographiques. Chacun de ses livres apporte un éclairage sur les précédents et annonce l’un des prochains, dans une narration non chronologique élaborée autour d’épisodes traumatiques qui resurgissent à l’infini. Au centre de ce jeu de miroirs, l’enfance brisée à 6 ans par la disparition du frère jumeau, évoquée dans Olivier.
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Le critique littéraire de L’Obs et producteur du Masque et la Plume, s’interrogeant aujourd’hui sur ses ancêtres, se lance à l’assaut d’un arbre généalogique étonnant puisqu’il ne comporte que des médecins, et ce depuis l’époque de Napoléon Ier. Ils l’ont été de père en fils ou de père en gendre, car dans la haute bourgeoisie médicale, les grands professeurs accordaient volontiers la main de leur fille à leur étudiant le plus brillant.
Naissance en Martinique dans une famille désargentée
Ainsi apparaît soudain l’énigmatique figure du grand-père paternel Raymond Garcin, célèbre neurologue qui a donné son nom à un syndrome, intégré tout jeune de cette façon-là à la communauté des mandarins. Né en Martinique dans une famille désargentée, c’est pour étudier la médecine qu’il était venu à Paris en pleine Première Guerre mondiale.
Au sein de la galaxie de personnages qui l’ont entouré enfant, et dont il garde un souvenir ému, Jérôme Garcin isole l’espace d’un livre ce scrupuleux praticien d’un autre temps. Il fallait sa phrase classique mais sans emphase, dénuée de lyrisme et d’affectation, pour parvenir à dire son admiration sans tomber dans l’hagiographie, rester sur le fil de l’émotion à l’évocation de ce cher mort sans donner dans l’exhibitionnisme.
“Une manière d’être au monde sous une carapace”
Garcin dresse de cet aïeul aussi affable que taiseux un portrait fragmentaire et intuitif, et rajoute une nouvelle dimension à sa problématique familiale : la façon dont l’exil a marqué un homme qui, sans jamais en parler, n’avait certainement rien oublié de sa Martinique natale.
Dans ce récit tout en retenue où il contourne les non-dits, Garcin dessine enfin, à partir des figures tutélaires de son grand-père et de son père – l’éditeur Philippe Garcin –, une éthique de vie marquée par la loyauté, mais surtout par le silence. “C’est cela, aussi, le syndrome de Garcin. Une manière d’être au monde sous une carapace. De cultiver la solitude dans des lieux fréquentés.”
Le Syndrome de Garcin (Gallimard), 160 p., 14,50 €
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