Un petit livre engagé, drôle et illustré propose aux viticulteurs de goûter pur les pesticides qu’ils épandent sur leur raisin. Résultat : on a envie de passer au vin bio.
“Goûter des pesticides peut paraître fou. Mais jamais il ne viendrait à l’idée d’un vrai cuisinier d’élaborer un plat avec des ingrédients qu’il n’a pas testés.” Cet argument imparable a été le point de départ d’une expérience ludique et instructive. Jérôme Douzelet, chef cuisinier et Gilles-Eric Séralini, biologiste et lanceur d’alerte, ont décidé de faire “goûter des pesticides dans l’eau, aux doses où ils sont dans le vin”, à des professionnels du vin. Ils en ont tiré un petit livre engagé, drôle et illustré – Le goût des pesticides dans le vin (éd. Actes sud) – qui donne envie de boire du vin bio.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des pratiques qui tournent le dos à dix milles ans de vin
La vigne consomme énormément de pesticides. En 2008, l’association de défense de l’environnement Générations Futures a analysé 40 bouteilles de vin rouge, dont 34 étaient du “vin conventionnel” (non issu de l’agriculture biologique). Résultat : 100% des vins conventionnels testés étaient contaminés, avec des taux près de 6 000 fois plus élevés que pour l’eau potable. En toute légalité pourtant : il n’existe pas de concentration maximale de pesticide autorisée pour le vin, contrairement à l’eau.
Pourtant, cette pratique stérilisante n’est en vogue que depuis 70 ans. Avant ça, les hommes ont préparé naturellement le vin pendant plus de dix mille ans.
Les pesticides : des ingrédients en plus
Pour sensibiliser producteurs et buveurs, Douzelet et Séralini proposent un “nouveau jeu non électronique” en forme de “dégustation œnologique” : apprendre à reconnaître les goûts des pesticides, pour déterminer leur influence sur le goût du vin.
Car quand le vigneron a traité ses vignes, les pesticides deviennent presque des ingrédients “en plus” dans la boisson. Mieux déceler ces produits dans les aliments et les boissons, c’est le premier pas pour les supprimer de son régime alimentaire. En bref : “découvrir des goûts nouveaux. Et s’en méfier !”
© Sami Keinänen via Flickr
Le doux goût du pesticide pur
Les auteurs de l’ouvrage organisent donc un atelier pour les papilles. Après une dégustation des vins, il s’agit de goûter les pesticides “purs”, extraits des vins, dilués dans de l’eau. Bon appétit… “Faire la démarche volontaire d’avaler ces produits que tout le monde reconnaît maintenant comme étant nocifs pour la santé, ce n’est pas une chose facile.” Mais après tout, ce n’est pas pire que de boire un verre de vin conventionnel.
Trois verres sont placés devant les goûteurs. “Là, c’est la molécule aromatique isolée que l’on va sentir, avec ses caractéristiques propres.” Alors, quel goût ça a, un pesticide ? Prenons l’exemple du folpet, décelé par sept des onze vignerons invités à faire le test lors d’une dégustation en Anjou. “Assèchement”, “amertume”, “impression d’étourdissement”, “odeur d’alcool volatile et médicamenteuse”, “léger picotement au bout de la langue”…
Place à la deuxième partie de l’expérience : goûter les vins à nouveau, pour tenter de déceler les impressions ressenties pendant la dégustation de pesticides purs. “Le goût de la chimie moderne dans une boisson vieille comme l’humanité”, ragent les auteurs. “Les qualités gustatives du vin sont endommagées”. Après ça, on ne saurait que vous conseiller de boire bio. C’est bon pour la santé, on vous dit.
Le goût des pesticides dans le vin, Jérôme Douzelet et Gilles-Eric Séralini, éd. Actes Sud, 2018, 142 p., 14,80€
{"type":"Banniere-Basse"}