Remis au ministre de l’Education nationale mercredi 24 janvier, le rapport de Pierre Mathiot, ancien directeur de Sciences Po Lille, propose un baccalauréat plus modulable, à échéance 2021. Un projet ambitieux, qui inquiète les syndicats qui craignent que cette réforme ne renforce les inégalités entre établissements.
« Muscler le baccalauréat« . C’est par cette formule, énigmatique mais volontaire, que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, a mis en route au lendemain de sa nomination un plan de réforme du bac. Confié à Philippe Mathiot, ex-directeur de Sciences Po Lille, le rapport d’expertise sur la refonte de l’examen lui a été remis ce mercredi 24 janvier.
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Le texte doit maintenant passer entre les mains des syndicats, pour trois semaines de concertations, avant l’arbitrage du ministre. Si elle est validée cette réforme, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, est prévue pour 2021. Ce sont donc les élèves actuellement en classe de troisième qui devraient inaugurer cette nouvelle mouture.
Nouveau bac, rite de passage
Réformer le bac, porte d’entrée vers l’enseignement supérieur et rite de passage de 90% des Français en âge de le passer, n’est pas une mince affaire. Depuis 1962, dernière réforme conséquente en date, aucun ministre de l’Education n’y a réellement touché. Xavier Darcos, qui occupa ce poste de 2007 à 2009, comparait la tâche à celle de « démonter la Tour Eiffel« . Tout un symbole.
Trop lourd, trop coûteux, déconnecté des prérequis de l’enseignement supérieur, le constat présenté par Pierre Mathiot est sans appel : une réforme est nécessaire. Sans pour autant remettre en cause le caractère institutionnel de ce rite de passage – il évoque plutôt une « nouvelle ritualisation du bac« , conséquence de cette réforme.
Dans les faits, place à l’étalement de l’examen. En plus des épreuves anticipées de français en classe de première, celles qui ont lieu en terminale se répartiraient en deux sessions – l’une au printemps, l’autre en fin d’année scolaire. Parmi elles, un grand oral de 30 minutes viendrait s’ajouter aux écrits. Le but : évaluer les étudiants sur leur maîtrise de l’oralité, voire de l’éloquence. Une réduction importante du nombre d’épreuves serait aussi à prévoir. Actuellement, elles oscillent entre dix et quinze, selon les options choisies par l’élève.
En finir avec le bachotage
Un passage partiel au contrôle continu est aussi prévu afin, selon Pierre Mathiot, de privilégier l’apprentissage face au « bachotage » caractéristique des épreuves isolées. Sur ce point, la balle est dans le camp du ministre, le rapport proposant trois formules possibles : une évaluation reposant sur les moyennes du lycéen telles qu’indiquées sur le bulletin ; la mise en place d’épreuves ponctuelles, sur le mode des partiels se déroulant dans le supérieur mais organisées à l’échelle nationale ; une voie médiane, mélangeant les deux précédentes options.
Le rattrapage enfin, qui concernait en 2017 près de 96 000 des bacheliers, se verrait supprimé, au profit d’une étude par le jury du livret scolaire de l’élève.
Un lycée à la carte
Réformer le bac, c’est aussi réformer le lycée. Si l’attention des différents observateurs, futurs bacheliers en tête, s’est focalisée sur cette refonte de l’épreuve, le rapport prévoit aussi un remaniement des filières, et plus largement de l’organisation des enseignements au lycée.
Le texte préconise ainsi la suppression des filières S, L et ES, au profit d’une organisation des options entre majeures et mineures, permettant une plus grande personnalisation des parcours. Le tronc commun comprendrait en première le français, l’anglais, une autre langue-vivante, l’EPS, les mathématiques-informatique et l’histoire-géographie, puis en terminale la philosophie, l’anglais, une langue vivante, l’EPS, culture et démarche scientifique et l’histoire-géographie.
A côté, les élèves auraient à choisir entre deux options majeures, définissant une spécialité, par exemple mathématiques/physique-chimie ou littérature/enseignements artistiques et culturels, et deux options mineures. Ce lycée « à la carte » est censé permettre un meilleur ajustement des parcours, en adéquation avec l’orientation de chacun.
Un risque pour l’égalité territoriale ?
Si la plupart des acteurs du secteur, enseignants comme parents d’élèves, approuvent une refonte de l’épreuve, ce remaniement vers une personnalisation des parcours n’est pas sans susciter des inquiétudes. Le risque n’est-il pas d’accroitre les inégalités territoriales déjà existantes, entre lycées de centre-ville et établissement de périphérie ?
Le spectre de la sélection, mais aussi de l’inégalité plane sur la mise en place de ces mesures. Ainsi, la possibilité d’un contrôle continu – qui favoriserait les élèves des lycées les plus cotés – est pointée du doigt par plusieurs syndicats. Le SNES-FSU, majoritaire chez les enseignants du second degré, réaffirme l’importance d’un baccalauréat « fondé sur des épreuves terminales, nationales et anonymes, et permettant à tous les jeunes bacheliers de poursuivre des études supérieures« .
Le grand oral est particulièrement symbolique de ces craintes. Jugé élitiste, il est l’une des marques de fabriques des grandes écoles telles que l’ENA ou Sciences Po. De fait, il est jugé discriminant pour les élèves issus de classes populaires.
Le « grand oral » du #bac est une fausse bonne idée. Il renforcera les écarts sociaux. Il suffit d’avoir deux sous de connaissances en sociologie pour le comprendre.
— Christian Delporte (@chdelporte) 24 janvier 2018
Interrogé sur ce point lors de la remise du rapport, Jean-Michel Blanquer a souligné au contraire l’importance de l’acquisition de cette « compétence d’oralité » : « l’oral est une compétence que tout le monde doit avoir dans sa vie de citoyen« .
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