Alors que le Pacs fête ses 10 ans, le débat sur le mariage et l’adoption par des couples de gay refait surface.
Dix ans après la création du Pacs, et alors qu’une enseignante homosexuelle vient de se voir accorder le droit d’adopter un enfant, le débat est relancé, à droite comme à gauche, sur le droit des homosexuels en matière d’union et d’adoption. Pour Emmanuelle B, c’est une longue lutte judiciaire qui s’achève après une demande déposée en… 1998.
A l’époque, en couple depuis 9 ans avec Laurence R., psychologue scolaire, Emmanuelle B. fait une première demande auprès du conseil général du Jura (UMP) en son nom propre car selon la loi française, seuls les couples mariés et les célibataires sont autorisée à adopter. Mais à aucun moment de la procédure elle ne cache sa relation homosexuelle.
Le conseil général reproche alors au dossier d’Emmanuel B. son « manque de référent paternel ». A ce refus initial succèdent de multiples recours et autant d’échecs, puis une procédure auprès de la Cour européenne des droits de l’homme qui en 2008 tranche en faveur d’Emmanuelle B et condamne la France pour « discrimination sexuelle ». Une condamnation relayée par l’avis de la Haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), qui n’empêchera cependant pas le conseil général du Jura de refuser une deuxième fois la demande d’Emmanuelle B.
C’est ce second refus qui est aujourd’hui annulé par le tribunal de Besançon, dont le verdict a finalement été accepté par le conseil général. « Cette décision a d’abord le mérite de rappeler qu’en France on ne peut pas faire de la discrimination sur la base des orientations sexuelles » analyse Caroline Mecary, l’avocate d’Emmanuelle B , spécialisée dans la défense des droits des homosexuels. « Par ailleurs, à partir du moment où le tribunal administratif reprend les éléments des experts psychologues et sociaux qui ont estimé qu’Emmanuelle et Laurence étaient capables d’accueillir un enfant, on peut estimer que c’est une manière de rouvrir le dossier de l’adoption par des couples homosexuels ».
Rappelons que la France est largement à la traîne en la matière, loin derrière ses homologues espagnol, britannique ou suédois, puisque depuis 1966 seuls les couples mariés sont autorisé à adopter conjointement, tandis que les concubins et pacsés ne peuvent le faire qu’individuellement.
Dans la foulée, la maire PS de Montpellier a lancé samedi 14 novembre son « appel de Montpellier » relançant ainsi le débat sur le mariage gay. « Dans la mesure où en France, il existe encore une catégorie d’individus moins bien traitée que les autres, il n’y a rien de rétrograde à demander l’accès au mariage pour les homosexuels » commente Carole Mecary qui met ainsi le doigt sur l’une des crispations majeures du dossier : autoriser les homosexuels à se marier reviendrait légalement à leur donner la possibilité d’accéder à l’adoption partagée par les deux membres du couple.
A droite, malgré quelques voix isolées (celle de Nadine Morano ou d’Hervé Morin), le gouvernement martèle qu’il n’est pas favorable à un changement de loi.
Claire Moulène et Fabien Cante