Alors qu’en 2003 une étude canadienne démontrait, données scientifiques en main, que l’adolescence s’étendait de 10 à 19 ans, la professeure Susan Sawyer, de l’université de Melbourne, a repris toutes les datas pour prouver que l’adolescence se prolongeait en réalité de 10 à 24 ans.
Smells Like Teen Spirit. Ressortez les posters de groupes de rock et affichez à nouveau sans complexe vos photos découpées dans les magazines : jusqu’à 24 ans, les jeunes des pays développés sont encore des adolescents. La professeur Susan Sawyer de l’université de Melbourne a récemment fait paraître une étude – recoupant des données scientifiques de biologie et de démographie – qui démontre que la société actuelle peut définir l’adolescence comme la période post-enfance s’étalant des 10 à 24 ans d’un individu. En cause, une puberté précoce mais plus longue et une entrée dans la vie d’adulte responsable plus tardive due aux études et à la conjecture socio-économique. De quoi expliquer les kidults et la crise de la vingtaine, en somme.
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Des jeunes en meilleure santé, donc précoces
Le début de l’adolescence est défini par la biologie comme la période à laquelle le corps enclenche la puberté et met en fonctionnement les organes reproductifs. Les jeunes filles ont leurs règles et leur poitrine commencent à pousser, les garçons voient des poils sortir de nulle part sur leur torse et leur menton. Si, il y a encore une centaine d’années, la puberté arrivait vers 14 ans, les études démontrent aujourd’hui que c’est à 10 ans en moyenne que ces premiers signes apparaissent.
Un recul de quatre ans non négligeable, qui s’explique par une jeunesse en meilleure santé et donc un organisme beaucoup plus enclin à s’activer rapidement pour mettre le système reproductif en route. Ce temps d’avance de la machine génitale implique, selon la professeure, une croissance plus étalée dans le temps, jusque 24 ans. Des données vont en ce sens : les dents de sagesse ne poussent pas avant 25 ans en moyenne, par exemple. L’évolution vers une puberté et une croissance plus longue a été acceptée par la grande majorité du corps scientifique à travers le monde depuis le début des années 2000.
Des études plus longues, une société plus protectrice
Selon les chercheurs qui ont mené l’étude australienne, « l’adolescence englobe des éléments de croissance biologique et des transitions de rôles sociaux majeurs, qui ont tous deux changé au cours du siècle dernier« . Les bourses aux études, les réductions – 26 ans dans les musées ou la Carte Jeunes SNCF jusque 27 ans… La liste des accompagnements mis en place par la société pour amener les jeunes à la vie adulte (définie comme l’arrêt de la croissance et le moment de l’indépendance, monétaire et parentale) s’étendent de plus en plus jusqu’après là mi-vingtaine. En cause, des jeunes qui poursuivent leurs études au-delà de 24 ans, et donc entrent plus tard dans le monde du travail. Selon Susan Sawyer, « On peut admettre que la période de transition de l’enfance à l’âge adulte occupe maintenant une plus grande partie de la vie ». Une période de la vie d’autant plus fragilisée par le stress généré par les réseaux sociaux et l’accès à l’information en continu.
Devrait-on alors élever l’âge légal de la majorité ? En réalité, la responsabilité effective arriverait bien plus tardivement : « Bien que de nombreux privilèges juridiques commencent à 18 ans, les responsabilités de l’âge adulte arrivent généralement plus tard », résume la chercheuse. Ce n’est pas parce que le mariage est légal à 18 ans que les jeunes sont pris d’envie de se marier dès cet âge, par exemple. L’âge du premier enfant et du premier mariage en France tend à aller dans ce sens : en 1994, les femmes avaient leur premier enfant à 30 ans en moyenne, quand la moyenne est désormais passée à 32 ans révolus selon l’INSEE. De même, l’âge du premier mariage a augmenté de plus de 6 ans en moyenne, passant de 31 ans en 1997 à 37 ans en 2017, hommes et femmes confondus.
Les dérives de l’adolescence prolongée : infantilisation, oui ou non?
Toutefois, ces informations ne signifient pas qu’il va falloir infantiliser les jeunes jusqu’à leur 24 ans. Dans une interview accordée à la BBC, différents chercheurs dont Susan Sawyer ont discuté ce point : il serait contre-productif de sur-protéger ou bien de réduire à l’état d’ado rebelle des étudiants prometteurs, des lycéens créatifs ou même des salariés en fin de vingtaine sous le prétexte que leur adolescence est plus longue que les générations précédentes.
Le Dr Jan Macvarish a résumé le comportement de rigueur : « traiter comme des enfants des jeunes gens qui poursuivent des études ou explorent le monde professionnel » revient à courir le risque qu’ils décrochent ou ne se sentent pas assez poussés pour réussir. En bref, il faut croire en cette nouvelle génération, même si son stade adulte est atteint un peu plus tardivement que ses aînés.
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