Star outre-Manche, Belle de Jour, ancienne prostituée et bloggeuse, a révélé son identité après cinq ans d’anonymat. Et nous apprend qu’elle est devenue call-girl pour financer son doctorat.
En 2003, lorsque le quotidien britannique The Guardian établit son top-10 des meilleurs blogs de l’année, la grosse surprise vient de la catégorie du « Blog le mieux écrit » : la récompense y est attribuée à « Diary of a London Call Girl » (Journal intime d’une prostituée londonienne). Le quotidien se défend de verser dans le porno-chic, faisant plutôt l’éloge de la prose légère et du style joueur qui caractérisent le blog. Impossible cependant d’ignorer ce qu’il a d’aguicheur : sans pudeur aucune, au jour le jour, « Diary.. » relate les aventures intimes et réflexions coquines d’une prostituée de luxe, une vraie de vraie – le tout dans un univers que certains comparent très vite à Sex and the City.
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L’engouement du public britannique prend comme le feu à un string en dentelle, évidemment. L’auteure du blog est vite contactée par une maison d’édition et publie en 2005 Les aventures intimes d’une call-girl, premier de trois livres aujourd’hui disponibles dans toutes les gares du Royaume-Uni. Dans la foulée, la chaîne de télé ITV adapte le livre dans une série de 16 épisodes, avec Billie Piper en star plutôt sexy.
Mais alors que la notoriété de la « London call-girl » explose, sa véritable identité, elle, demeure inconnue. Qui est donc cette prétendue prostituée, dont le style d’écriture est si éloquent ? Sur son blog, comme dans les livres qui en sont dérivés, on ne trouve en guise de signature qu’un pseudonyme évocateur : « Belle de Jour ». Référence très classe au film éponyme de Luis Buñuel, dans lequel une bourgeoise sévère, incarnée par Catherine Deneuve, découvre ses pulsions sexuelles en s’adonnant à la prostitution…
Une vraie prostituée ?
L’anonymat de Belle de Jour alimente alors les rumeurs et les spéculations les plus folles. Est-elle, comme Deneuve dans le film, une femme au foyer qui s’ennuie ? Ou bien est-elle la créature littéraire d’Isabel Wolff, écrivaine de « chick-lit » à la Bridget Jones ? Peut-être même est-elle un homme un peu pervers – pourquoi pas le journaliste Toby Young, par exemple… Beaucoup doutent, au final, que Belle de Jour soit une vraie prostituée : trop éduquée, trop élégante, trop middle-class. Un doute relayé principalement par ceux qui, comme la journaliste du Sunday Times India Knight, reprochent à Belle de Jour d’alimenter le mythe de la « Happy Hooker » (la Pute heureuse), à travers une vision un poil trop rose de la prostitution.
Le Guardian parle aujourd’hui d’un des « secrets littéraires les mieux gardés de la décennie », genre Thomas Pynchon version porno. L’histoire de Belle de Jour est aussi un petit roman d’espionnage. Comptes en banque secrets, fausses adresses mail, et même, selon certaines sources, l’aide de quelques collègues bloggeurs bienveillants : pendant plus de cinq ans, c’est ainsi que Belle de Jour parvient à préserver son anonymat. Entre-temps, elle arrête la prostitution (tout en continuant son blog). Mais la pression médiatique se fait manifestement trop intense, d’autant que l’un de ses ex menace carrément de la balancer à la presse.
Elle préfère alors tout révéler elle-même. Ce qu’elle faisait, ce week-end, dans un entretien à… India Knight, son ancienne détractrice du Sunday Times. Dans l’interview-fleuve qui en découle, Belle de Jour se défend d’abord d’avoir « glamourisé » la prostitution. Elle reconnait par exemple que sa situation n’était pas le lot commun des prostituées londoniennes : « Certain(e)s travailleurs et travailleuses du sexe ont eu d’horribles expériences. Pas moi. J’ai eu énormément de chance dans tous les domaines ». Et puis au fil de la conversation, elle nous apprend pas mal de choses intéressantes, comme le fait que, oui, les call-girls paient des impôts. Ou encore que le sexe payé, c’est « plus agréable » que le métier de programmateur informatique, que Belle de Jour aurait aussi un temps exercé.
Chercheuse en neurotoxicologie
Au final, l’interview confirme que Belle de Jour n’était pas n’importe quelle prostituée. Pas seulement parce qu’elle louait ses services 300 livres de l’heure (330 euros environ). Surtout parce que, dans son temps libre, elle préparait son oral de thèse pour achever son doctorat. Une prostituée qui, aujourd’hui, est chercheuse en neurotoxicologie et en épidémiologie du cancer dans un institut de Bristol. Accessoirement, une femme blonde de 34 ans, jolie et élégante (selon India Knight).
Belle de Jour s’appelle Brooke Magnanti – le « secret littéraire » est enfin levé. Et le docteur Magnanti explique tout : « Je ne pouvais pas trouver de boulot dans ma spécialité, car je n’avais pas encore mon PhD. Je n’avais pas beaucoup de temps libre, car je finissais [la préparation à mon oral de thèse]. J’ai une aversion pathologique pour la dette. … Et là j’ai commencé à réfléchir : qu’est-ce que je peux trouver comme boulot qui me permette de commencer immédiatement, sans formation ni investissement préalable ? » Ben la prostitution. Naturellement.
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