Pour la sortie de leur huitième album, les Go-Betweens étaient de passage à Paris le 17 mai au Café de la Danse. Entre les nouvelles chansons extraites de Bright Yellow Bright Orange et un nombre conséquent de relectures de leur répertoire passé, l’émotion fut palpable. Récit.
La dernière fois que l’on aperçut les Go-Betweens sur scène (la première fois pour celui que vous lisez) lors du Festival des Inrockuptibles il y a trois ans, la rencontre fut malheureusement trop courte, frustrante.
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Quarante-cinq minutes à écouter les Australiens Robert Forster et Grant McLennan, l’une des paires de songwriters les plus habiles des années 80, rejouer quelques pépites du bon vieux temps et décliner leur nouvel album Friends of Rachel Worth, venu compléter leur discographie douze ans après une séparation amère, fut une expérience intense, vécue comme une bénédiction par une partie du public présent ces soirs là.
L’autre partie du public, ignorante, devait se demander qui était ces papys mal habillés, rejouant inlassablement quelques accords éculés en chantant « la la la » à tue-tête. On enviait ces gens à l’époque, imaginant toutes les merveilles qu’il leur restait à découvrir.
Cette réunion improbable, surtout après une si longue absence, aurait pu tourner au désastre. Il n’en fut heureusement rien. The Friends of Rachel Worth et le petit nouveau, Bright Yellow Bright Orange, sorti en début d’année, présentent un songwriting apaisé, à la production simple et boisée, bien loin du clinquant de leurs productions passées.
Avec le temps, Forster et McLennan, les deux survivants de la formation d’origine, ont compris que seule la chanson importait et que le plus simple appareil valait mieux que des apparats sans âme.
En réécoutant leurs chefs d’ uvres comme Liberty Belle & The Black Diamond Express (1986) ou 16 Lovers Lane (auquel on préféra les démos acoustiques des mêmes sessions’), le temps semble avoir laissé ses marques, plombant par moments des pop-songs qui n’en demandaient pas tant.
A l’époque, les Go-Betweens couraient après un succès qu’ils ne trouvèrent que dans les critiques dithyrambiques de journalistes sensibles aux prétentions artistiques d’un groupe littéraire. Aujourd’hui, Forster et McLennan savent pertinemment que ces nouveaux tours de pistes ne servent qu’en grande partie à satisfaire un public qui a vieilli avec eux. Qu’importe, la qualité est au rendez-vous et le plaisir réel, autant du côté du public que du groupe.
En pénétrant dans le Café de la Danse pour ce concert tant attendu, on constate avec une légère ironie que l’âge moyen du public est bien celui escompté. A 21 heures tapantes, le groupe monte sur scène, McLennan affichant un sourire d’exception et Forster laissant tomber une maigre liasse d’euros en cherchant un médiator dans sa poche. Rires complices dans la salle. Et le groupe d’enchaîner avec l’enchanteur Make Her Day, extrait de son nouvel album.
Il n’y a pas à dire, le groupe a visuellement autant de classe qu’une réunion d’anciens d’école primaire : Adele Pickvance, petite bassiste rondelette, ressemble à la responsable fromages du Monoprix de la rue Lecourbe. Armé d’une Stratocaster, Forster ressemble à un notable de petite ville de province et McLennan et sa guitare acoustique à un faux jeune sur le retour.
Pourtant, dés que le groupe se met à jouer, toutes ces futiles pensées s’envolent : le groupe joue à niveau sonore faible, les voix bien en avant, laissant s’écouler les mélodies sur des arpèges enchanteurs. On constate bien mieux sur scène toute l’ambivalence et la complémentarité de Forster et McLennan, le premier livrant des chansons plus acides, moitié chantées, moitié parlées, le second s’occupant des pop-songs les plus élégiaques.
Extrait de l’album précédent, Magic in Here subjugue lorsque tout le groupe reprend en chœur les secondes voix pour épauler McLennan. Surfing Magazines et German Farmhouse laissent la part belle à Forster et ses mimiques théâtrales. Première concession à leur répertoire passé, Streets of your Town, remporte l’adhésion du public.
Un peu plus tard, Forster dédicacera Too Much of One thing (la seule chanson de leur vaste répertoire qui soit réellement cosignée des deux musiciens) à la regrettée June Carter Cash, disparue quelques jours auparavant. Avec son final à rallonge et ses deux guitares acoustiques carillonnantes, cette chanson sera l’un des grands moments du concert.
Chanté à tue-tête, l’entraînant Old Mexico, extrait du dernier album, précédera un nouveau voyage temporel dans les méandres de l’album Tallulah (1987) avec le toujours superbe Bye Bye Pride.
Un vieux répertoire que le groupe privilégiera lors des quatre rappels qu’il donnera sous les ovations du public. Spring Rain, Love Goes On, Was There Anything I Could do ?, Dive in your memory? la beauté de ces moments de retrouvailles n’aura d’égal que le sourire et l’émotion présents sur tous les visages du public.
A la sortie, sous une petite pluie fine, quelques fans chantonnent dans leur barbe le refrain de Spring Rain : « Falling just like love/Falling down so hard/Just like spring rain’« .
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