Aux Etats-Unis, la chaîne NBC a fait le pari de la disparition des séries en programmant chaque soir, à 22 heures, le Jay Leno Show (photo avec Barack Obama en mars 2009), émission plus bavarde mais moins coûteuse. Verdict ?
Il y a encore quelques semaines, la sentence paraissait inexorable. Les séries allaient disparaître de la télévision américaine, tels des dinosaures désormais trop chers par temps de crise. Soixante ans de l’histoire de la culture populaire allaient terminer leur course dans le caniveau. En recevant un prix pour sa sitcom 30 Rock lors des Emmy Awards (les oscars du petit écran), la scénariste-actrice-productrice Tina Fey, pourtant toute-puissante dans son domaine, remerciait ironiquement la chaîne NBC d’avoir maintenu sa série à l’antenne, “même si nous coûtons beaucoup plus d’argent qu’un talkshow”. Pourquoi miss Fey a-t-elle prononcé ces mots ? Comme dans Lost, un flash-back s’impose.
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Décembre 2008, NBC annonce une révolution. Adieu la garniture habituelle de la case de 22 heures, historiquement consacrée aux séries plus adultes que la moyenne et marque de fabrique du network depuis vingtcinq ans (Hill Street Blues, Urgences…). Le néo-quinqua farceur Jay Leno, star de la fin de soirée (The Tonight Show commençait à 23h30), va être appelé en septembre avec sa nouvelle émission faite de bla-bla avec des stars et de grosses blagues. Un talk-show, genre sempiternel de la télé US, mais qui n’a encore jamais frayé sur les terres des séries. Septembre 2009, Leno arrive avec un atout de poids : un coût de production (environ 530 000 dollars par soir) entre deux et trois fois moins important que celui d’un épisode de série. NBC s’est débarrassée de plusieurs “dramas” pour faire de la place.
Mais aujourd’hui, soit deux mois plus tard, tout n’est pas rose… Côté audience, le Jay Leno Show s’enfonce semaine après semaine en dessous de cinq millions de téléspectateurs, bien moins que les séries qui occupaient autrefois la case. Le programme coûtant moins cher, la perte sèche reste encore à prouver. L’effet se mesure au-delà des piles de dollars : jamais l’image de NBC, l’une des quatre chaînes majeures aux Etats-Unis (la plus regardée durant les années 90) n’a été aussi mauvaise. Entre la valse des dirigeants, les stratégies bancales et l’incapacité à produire des succès, l’ex-network dominant touche le fond. Les grandes heures de Friends appartiennent au passé et le choix à but strictement lucratif de stopper la fiction à 22 heures se retourne finalement contre la chaîne… Car c’est bien Jay Leno qui semble faire pencher la balance du mauvais côté.
Les analystes commencent à le murmurer : pour l’image d’un network, et donc pour sa bonne santé, rien ne vaut une bonne série qui fait parler, même si elle est peu regardée. Le câble américain s’est construit depuis vingt ans sur ce credo, avec le succès que l’on sait. La leçon ne semble pas encore avoir été apprise chez les “grands”. Et si l’affaire Leno était plutôt symptomatique des difficultés à venir des chaînes mastodontes que de la disparition à moyen terme des séries sur les chaînes hertziennes ? Seul l’avenir nous le dira.
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