A l’occasion de la sortie de ses mémoires, la MILF ex-co-listière de John Mc Cain Sarah Palin se paie une tournée de rock star dans la droite conservatrice.
Des foules qui campent la nuit devant les librairies, affrontant un froid parfois polaire, prêtes à tout pour obtenir une dédicace de leur idole : on n’avait pas vu ça depuis Michael Jackson… Une ambiance de folie accueillait cette semaine Sarah Palin à chaque étape de sa gigantesque tournée promotionnelle. Sillonnant les Etats-Unis en bus, Palin fêtait la parution de Going Rogue (« En voie de rébellion » selon la traduction de Marianne), les mémoires qu’elle avait commencés à écrire cet été.
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Les chiffres de vente confirment un succès impressionnant : déjà bestseller sur Amazon.com avant sa sortie, Going Rogue explose aujourd’hui Stephen King et Dan Brown (auteur du Da Vinci Code) en tête des ventes de la semaine. La maison d’édition HarperCollins (appartenant à Newscorp de Rupert Murdoch) annonce 700 000 exemplaires vendus depuis la sortie du livre, le 17 novembre ; Palin battrait ainsi Hilary Clinton, dont les mémoires étaient sortis en 2003.
Le délire Palin envahit l’ensemble des médias américains, où, au-delà de son passage dans l’émission d’Oprah Winfrey, l’ancienne colistière de John McCain est omniprésente. Succès médiatique extraordinaire pour cette femme de 45 ans dont personne n’avait entendu parler avant la campagne présidentielle de 2008. A l’époque, une bonne partie de ces médias avaient pourtant ridiculisé son ignorance manifeste des problèmes politiques nationaux. Qu’est-ce qui a changé ?
Un succès qui illustre la crise d’identité du Parti républicain
Certainement pas l’attitude des médias démocrates, toujours aussi impitoyables. Le New York Times dénonce un livre truffé d’affirmations infondées voire carrément mensongères, et le site Slate.com propose un concours « d’écriture à la Palin », invitant les internautes à imiter le style bucolique un peu minable de Going Rogue (d’ailleurs co-écrit avec Lynn Vincent, journaliste évangéliste).
La compétence politique de Palin ne semble pas avoir évolué non plus : Annie Lowrey souligne dans Foreign Policy que Palin, si l’on s’en tient à ce qu’elle écrit dans ses mémoires, n’a mûri aucune réflexion sur les sujets qu’elle ne maîtrisait pas lors de la campagne présidentielle, comme la situation en Irak. Elle se contente de pester contre les journalistes qui avaient tenté de la « coincer », et contre les stratèges de la campagne McCain. Ils lui avaient pourtant fourni son argumentaire lors de son débat contre l’actuel vice-président Joe Biden.
Les commentateurs perçoivent d’ailleurs le livre comme une revanche sur l’équipe de campagne de John McCain. Un comble : cette équipe l’avait propulsée de l’Alaska (où elle était gouverneur) à la scène politique nationale. Les piques que Palin adresse ajourd’hui à McCain et à ses managers de campagne paraissent d’autant plus surprenantes que Palin n’occupe actuellement aucun poste politique, et n’a pas de position privilégiée au sein de l’appareil républicain.
Ou du moins, pas encore. Car si elle peut se permettre ces sorties aujourd’hui, et si sa promo déclenche l’hystérie dans les villes moyennes où elle fait escale, c’est qu’elle est symptomatique d’un nouveau rapport de forces au sein de la droite américaine.
En pleine crise d’identité après la défaite à la présidentielle, le Parti républicain fait aujourd’hui face à une montée implacable de la droite ultra-conservatrice. Surfant sur la vague des mécontents de la politique Obama, rallié autour de la lutte contre le « socialisme » et la libéralisation des mœurs, relayé enfin par certains journalistes réactionnaires, ce mouvement s’organise à travers des manifestations parfois assez violentes (des pancartes, lors d’une manifestation à Washington, comparaient l’avortement aux camps de concentration nazis).
« Palin 2012 », pouvait-on lire sur certains T-shirts lors des séances de dédicace de Going Rogue. Si l’on ne peut affirmer que tous les fans venus acclamer Sarah Palin étaient des militants de la droite dure, il est indéniable que cette dernière doit en grande partie son actuel rayonnement médiatique à l’ultra-conservatisme qui secoue le paysage politique américain. Car Palin est un des acteurs politiques républicains qui a le mieux su incarner le mécontentement conservateur. La clé de ce succès ? Le populisme.
Populisme, mon amour
Cette pratique politique a une longue histoire aux Etats-Unis, tant à droite qu’à gauche – une histoire qui remonte au moins à Andrew Jackson, président de 1829 à 1837. Mais c’est aujourd’hui la droite qui s’en saisit le mieux, en pariant sur les mouvements anti-Obama les plus radicaux. Le Parti républicain se rassure en brandissant le spectre du chômage et de « l’invasion » des clandestins. Outre ces positions souvent extrêmes, le populisme s’illustre aujourd’hui chez certains républicains par une posture anti-intellectualiste, s’opposant aux « bureaucrates » de Washington. Pas étonnant, du coup, de lire dans les mémoires de Sarah Palin qu’il n’y a « pas de meilleur entraînement à la politique que la maternité ». Nul besoin de comprendre les rouages de la politique internationale quand on a le « bon sens » de l’Américain moyen.
Palin peut toujours jubiler : les prochaines échéances présidentielles sont encore loin et le New York Times rappelle que, au mois d’octobre, 70% des Américains estimaient dans un sondage CNN que Palin n’avait pas les compétences pour être présidente. De plus, si certains analystes, comme Michael Dowd du Washington Post, estiment que Palin a une chance d’être élue si Obama ne parvient par à redresser se cote de popularité, la plupart des commentateurs estiment que le populisme n’est pas une stratégie viable à long terme. Dans le New York Times, Michael Kazin, chercheur à l’université de Georgetown (Washington D.C.), y voit une stratégie « électoralement périlleuse », qui ferait fuir les électeurs indépendants.
La tendance populiste force les membres du parti républicain à se repositionner vers la droite. Alors que se profilent les primaires pour les élections de sénateurs et de gouverneurs, des candidats plutôt modérés se retrouvent menacés par des candidats populistes plus conservateurs. C’est le cas notamment au Texas, en Floride, en Caroline du Sud, mais aussi en Arizona, où John McCain, pour préserver son poste de sénateur, doit afficher son admiration pour Sarah Palin, malgré les critiques qu’elle adresse à sa campagne dans ses mémoires.
Non seulement Palin est en position de force, mais elle fait des émules. Le Guardian dresse par exemple un portrait de Michele Bachmann, députée du Minnesota : mère de famille souriante et ultra-religieuse, comme Palin, Bachmann s’est retrouvée propulsée sur la scène politique nationale grâce à ses liens étroits avec le Tea Party Movement, organisateur de plusieurs manifestations anti-Obama un peu partout aux Etats-Unis. Dans un contexte de crise économique et de polarisation idéologique indéniable, Palin et Bachmann incarnent pour toute une partie de la population la sauvegarde des valeurs menacées de l’Amérique profonde. Mais si, regardez : c’est Joe le Plombier qui vous le dit (voir la vidéo).
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