Ex-Los Chicros, ex-Turzi, le parisien Judah Warsky publie un nouvel album bien perché. Rencontre en studio avec un poète trop peu connu.
C’est l’histoire d’un piano. Un jour, un pote de Judah Warsky en récupère un suite à une performance dans une galerie, à Paris. Il le rapporte dans le squat où il vit. Puis le squat ferme, le pote doit retourner habiter dans un appartement. C’est là que Judah Warsky se fait prêter ce gros instrument et qu’il l’installe dans son studio du Point Ephémère, à quelques rues de là. Pour lui, c’est un rêve qui se réalise – et un nouveau départ dans sa carrière musicale.
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Son nouvel album est né comme ça. Aller s’asseoir au piano. Composer. Et voilà. La suite se passe au studio Shelter, le cocon parisien d’Acid Arab. C’est d’ailleurs là-bas qu’on retrouve Judah Warsky, au milieu des synthés entassés du sol au plafond, à quelques jours de la sortie de ce troisième album, titré Avant/Après.
“J’aime bien parler de ‘variété sous MD’ pour ce disque, attaque-t-il. Et ce n’est pas seulement une vanne : ça donne une idée assez vraie de ce qu’il y a dedans.”
Soit huit morceaux allant de trois à dix minutes, portés par des ambiances cotonneuses et des textes tantôt sinueux, tantôt plus légers, toujours tournés vers les souvenirs, les rêves et la folie possible à la jonction des deux.
Un héritage bien particulier
Ce rapport à l’esprit de sérieux et à une certaine poésie place Judah Warsky dans un héritage bien particulier de la pop française. “Mes préférés, dit-il, ce sont forcément les fous de la musique, ceux qui sont un peu à côté.” Il cite notamment Brigitte Fontaine, Philippe Katerine et Sébastien Tellier dans les bagages qu’il traîne avec lui d’un album à l’autre. Avant de poursuivre : “Contrairement à beaucoup d’artistes, j’aime bien l’idée d’appartenir à une scène. Quand un autre Français sort un bon morceau ou un bon album, ça fait des points pour l’équipe. Ça me rend heureux.”
Une attitude d’autant plus cool que Judah Warsky, contrairement à d’autres, n’a encore jamais connu de véritable succès public. C’est un mystère que n’a pas résolu La Voiture ivre, single rimbaldien d’Avant/Après paru en novembre dernier, avec lequel le musicien de 38 ans installait une vraie nouveauté dans son parcours. “J’ai surtout fait des disques badants jusqu’ici, reconnaît-il. Mais c’était trop pesant de les jouer seul en concert. Cette fois, je voulais un disque ‘goodant’.” Pour la première fois, donc, Judah Warsky a laissé entrer la lumière et la douceur dans sa musique, et ça semble plutôt bien lui aller.
« La musique, ça ne paie pas”
Le garçon est né à Clamart, en banlieue parisienne. Il fait ses armes musicales dans des groupes lycéens avant de lancer Los Chicros, projet avec lequel il sortira son premier disque. Suivra l’aventure Turzi puis, suite à une blessure au doigt, les premières pérégrinations en solitaire. Car c’est bien de cet isolement forcé qu’est né le goût de travailler seul, qui débouchera sur un premier album solo en 2012, (Painkillers & Alcohol) et un deuxième en 2014 (Bruxelles). En 2015, il sort également un gros ep titré Seul. Mais ce n’est pas tout à fait vrai : dessus, on retrouve un de ses camarades de label chez Pan European, un certain Flavien Berger.
En parallèle à tout ça, Judah Warsky a un métier : traducteur. Il fait des sous-titres pour des films et des documentaires. “Je ne pourrais pas arrêter de travailler, dit-il. J’adore mon métier, je l’ai choisi, j’ai fait des études pour. Et puis la musique, ça ne paie pas.” Le travail le jour, la musique la nuit. Voilà l’équilibre qu’il entretient depuis des années.
Quand on le rencontre, Judah Warsky parle également de ses vacances récentes à la campagne. Il a cru devenir fou en passant dix jours sans faire de musique. Ça lui manquait trop. Grand lecteur, surtout de littérature française, il a lu en attendant de retrouver son clavier. En ce moment, il relit Queneau. Qui, en d’autres circonstances et d’autres temps, aurait pu lâcher cet aphorisme : “Un album, c’est un an de ta vie résumé en quelques minutes.” Mais c’est bien à Judah Warsky qu’on le doit.
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