Le HIV atteint aussi les femmes. Dix réalisatrices le rappellent dans des courts métrages pour Act Up. (Corps de dame de Karin Albou)
La guerre contre le sida a généré depuis le milieu des années 80 un vaste protocole d’images aussi combatives que compassionnelles. Outre celles conçues pour la télé (La Pudeur ou l’Impudeur d’Hervé Guibert, sorti en DVD) ou le cinéma (Philadelphia, Les Nuits fauves…), d’autres ont été inventées par des militants. Ceux d’Act Up-Paris n’ont cessé de produire affiches et films de combat pour interpeler la population, dénoncer les erreurs des pouvoirs publics, informant les malades sur leurs droits.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Vingt ans après sa création, Act Up- Paris continue la lutte avec une collection de dix courts métrages, produits par Elisabeth Perez, axés sur le côté féminin de l’épidémie et construits exclusivement autour de paroles de femmes malades. Parmi les 200000 personnes vivant avec le VIH en France, près de 60000 sont des femmes et une sur trois est d’origine étrangère. D’où l’idée de porter pour la première fois un regard frontal sur ces femmes livrées au secret pudique de leur souffrance, à l’abri de tous, étouffées par le silence de leur isolement. Le dispositif formel contraint – témoignage obligé, film de 3 minutes – crée étrangement une impression de grande liberté et une variation stylistique dans le travail des dix réalisatrices : Solveig Anspach, Catherine Corsini, Valérie Mréjen, Brigitte Sy, Sandrine Veysset, Christine Dory, Karin Albou, Sylvie Ballyot, Lola Frederich, Rachida Krim.
Arc-boutée sur son intention “politique” et informative, la collection n’en néglige pas moins la stylisation de son écriture, flottant entre la consignation de paroles brutes et le jeu d’acteurs se réappropriant l’expérience de malades. Cette exploration de la vie intérieure va jusqu’à la mise à nu de soi, comme dans le beau film de Brigitte Sy, Fruits de mer, où la réalisatrice parle avec une amie malade depuis 1987 tout en dégustant des crustacés. La conversation délivre ses secrets avec l’énergie d’un désespoir gourmand.
Autre motif central de la collection : l’altération de la relation amoureuse par la maladie. Rachida Karim filme Juliette, 19 ans, née séropositive, incapable de confesser sa maladie à son petit ami ; l’actrice Valérie Donzelli interpréte pour Sylvie Ballyot une fille bloquée dans ses élans sexuels ; Catherine Corsini met en scène l’humiliation de la défiance entre Judith Henry et Eric Caravaca qui la rejette à l’acmé du désir ; Christine Dory filme une ado de 14 ans, née séropositive, tenue de vivre avec ce secret chevillé au corps… Les rêves s’écroulent, comme le suggère Solveig Anspach à travers l’histoire d’une footballeuse dont la carrière s’est achevée avec le virus qu’elle a contracté à 20 ans. Sandrine Veysset évoque la discrimination dans le monde du travail, Karin Albou la douleur d’un corps qui vous échappe… Au registre du témoignage se mêle dans chaque film le regard attentif porté sur des visages et des corps, attristés, résistants, oubliés.
Silence = Mortes, sur Arte les 1er et 2 décembre
Sortie du livre Action = Vie sur les campagnes d’Act Up-Paris (Editions Jean Di Sciullo)
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}