La série Looking, sur la communauté lgbt de San Francisco, en a fait un comédien en vue. « MINDHUNTER » la série de David Fincher lui fait passer un cap supplémentaire de notoriété. Gay totalement out, il nous parle de son rapport à l’identité sexuelle de ses personnages et de la perception de l’homosexualité à Hollywood.La série Looking, sur la communauté lgbt de San Francisco, en a fait un comédien en vue. « MINDHUNTER » la série de David Fincher lui fait passer un cap supplémentaire de notoriété. Gay totalement out, il nous parle de son rapport à l’identité sexuelle de ses personnages et de la perception de l’homosexualité à Hollywood.
Soyons honnêtes. On n’aurait pas parié notre salaire sur Jonathan Groff. Ce jeune premier propret, plutôt joli garçon (sans être affolant), un brin agaçant et poussant la chansonnette dans Glee ou dans La Reine Des Neiges ne nous avait pas tapé dans l’oeil. En tout cas pas avant son rôle de trentenaire homo attachant dans la série Looking de HBO.
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À 32 ans, ce fils d’une prof de sport et d’un entraineur de chevaux, originaire de Pennsylvanie et qui a commencé sa carrière dans les comédies musicales de Broadway, tient aujourd’hui l’un des rôles principaux de MINDHUNTER (lire notre critique), la deuxième série de David Fincher pour Netflix, après House of Cards. Pourtant, ce n’est pas la première rencontre entre Groff et le réalisateur :
« Je l’ai rencontré une première fois il y a 8 ans, se souvient l’acteur. Je passais une audition pour The Social Network. On a fait une lecture de deux heures ensemble et j’ai immédiatement été fasciné par sa façon de penser. Même si je n’ai pas eu le rôle, j’avais le sentiment d’avoir de la chance d’être dans la même pièce que lui pendant quelques heures. »
D’abord recalé par Fincher
Le comédien a-t-il une vague idée de pourquoi Fincher l’avait alors recalé ? « Il a donné le rôle à Justin Timberlake ! Et j’ai en tête un bon millier de raisons pour lesquelles Justin Timberlake était un choix préférable… » Il explose de rire.
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C’est donc sans rancune que Groff accepte en 2016 la proposition de Fincher d’être le héros de sa nouvelle série. D’autant que, s’il n’est pas un die-hard fan des histoires de serial killers, l’acteur adore l’univers du réalisateur qui lui, de Se7en à Zodiac en passant par Millénium, a fait de ces tueurs le motif récurrent de son cinéma : « À l’époque du tournage de la série Looking à San Francisco, on est allé voir Gone Girl au cinéma avec une bonne partie de l’équipe. Je n’ai pas arrêté de rire tout au long de la projection. Je trouvais le film si drôle ! David a un humour noir vraiment hilarant. » Et c’est avec discipline que Groff s’est plié aux exigences du cinéaste à la réputation autoritaire :
« David est très intense, totalement dévoué à son travail. J’ai bossé plus dur pour lui que pour n’importe quel autre metteur en scène dans ma vie. Il est méticuleux, exigent mais on se marre aussi beaucoup avec lui. Il y a beaucoup d’espièglerie dans sa façon de diriger. J’ai récemment lu une interview de lui où il expliquait que « les acteurs sont comme des enfants. Et qu’il faut entretenir ce sens du jeu avec eux qu’il continue à être créatifs. » C’est vraiment ce qu’il a fait avec moi. Je ne suis pas un acteur de la méthode. Je ne puise pas dans mes souffrances pour nourrir un rôle. Pour moi, tout n’est qu’une question de jeu. Il m’a vraiment gardé sur le qui-vive. »
Les félicitations de Beyoncé
S’il a acquis dans Glee une certaine notoriété auprès d’un public teenage, c’est bien Looking, la série d’Andrew Haigh qui a imposé la crédibilité de Groff. L’acteur y campait le rôle d’un jeune trentenaire homosexuel tiraillé entre deux hommes. Cette fois, il passe le costume d’un agent du FBI hétéro, Holden Ford, tentant de comprendre les méandres de l’esprit de tueurs en série en 1979. Un choix de rôle plus « macho » en réaction à son personnage précédent — même s’il a entretemps rejoint le casting de la comédie musicale Hamilton à Broadway, récoltant au passage les félicitations de Beyoncé:
« C’est beaucoup plus chaotique que ça. Parfois je passe des auditions pour des rôles que je veux vraiment et que je ne décroche pas. Et parfois on me propose des rôles que je n’ai pas vraiment envie de faire. L’idée, c’est de trouver l’équilibre parfait entre mon désir pour le projet et le projet me désirant avec la même force. Et ça n’arrive pas souvent. »
Au fil d’intenses entretiens avec différents psychopathes, l’agent Holden Ford et son binôme, l’agent Bill Tench (joué par Holt McCallany), tentent de jeter les bases d’une science du profilage dans un FBI encore traumatisé par la rigidité paranoïaque de son créateur J. Edgar Hoover. Malgré les apparences, il existe de franches similitudes entre ce rôle d’agent fédéral zélé et le personnage d’homosexuel indécis campé par l’acteur dans Looking :
« Il sont tous les deux prêts à sortir d’eux-mêmes pour quelque chose de nouveau et de différent. Ils sont désireux de grandir, d’apprendre et d’évoluer. Ils ont l’air naïfs mais c’est une forme d’intelligence que d’admettre que vous ne connaissez pas quelque chose. D’aller de l’avant. De poser des questions. C’est ce que Patrick, mon personnage, faisait dans Looking. Et c’est ce que Holden passe son temps à faire tout au long de la première saison de MINDHUNTER. »
Deux méthodes
Et l’acteur de comparer pour nous la méthode d’Andrew Haigh avec celle de David Fincher:
« Il existe entre eux des similitudes inouïes et des différences tout aussi extrêmes. Ils ont tous les deux des points de vue très précis et une incroyable capacité d’entraînement. On tombe parfois sur les réalisateurs n’ont pas toujours une vision aussi nette de ce qu’ils veulent accomplir. Avec Andrew et David, c’est limpide. Andrew met tout le monde à l’aise, te fait sentir en sécurité pour que tu tombes la garde. Il te fait croire que tu proposes un truc original alors qu’en fait, c’était son idée depuis le début. David est beaucoup plus directif: sur le rythme, les intonations, où tu dois reposer ta tasse à café, comment tu dois lever ton bras… Il est extrêmement scrupuleux sur tous ces détails. Et Andrew lui fait beaucoup moins de prises. Disons qu’il est plus européen. »
Déjouer les règles les plus stupides de Hollywood
Dès 2009, alors que sa réputation de comédien dépasse à peine les rues de Broadway, Groff fait son coming out. Une démarche encore saluée comme un acte de courage. À 25 ans, il fait alors le pari de déjouer deux des règles parmi les plus stupides de Hollywood : celle qui veut qu’un acteur homo soit cantonné à des rôles gays et qu’il ne puisse plus paraitre crédible dans un rôle hétéro aux yeux du public. C’est d’ailleurs ce qu’écrira mot pour mot un journaliste de Newsweek à propos du jeu de Groff dans la série Glee dans une tribune particulièrement réac’, traitant l’acteur de « folle de théâtre » plus plausible « en amoureux de Kurt que de Rachel » :
« Cet article était incompréhensible. À moins de jouer le stéréotype d’une personne de lesbienne ou gay, entre ces deux extrêmes, il ne s’agit que d’incarner des êtres humains. Dans Looking, l’un de mes partenaires, Raúl Castillo, est hétéro dans la vie. Il n’a pas essayé de « faire gay », juste à apparaitre amoureux. Il a apporté son vécu dans nos scènes les plus intimes. Mais la première fois que j’ai lu le script de Looking, j’avoue m’être dit : « OK, c’est une chose de dire que tu es gay, ç’en est une autre que de faire de tourner une scène de sexe anal ou de lavement devant la caméra. Est-ce que je vais trop loin ? Est-ce que je vais être réduit à ça pour le reste de ma vie ? » Mais je croyais tellement au projet d’Andrew que toutes mes réticences se sont envolées. Je voulais vraiment jouer le rôle. J’aurais très bien plus être cantonné à des rôles homos. Mais jusqu’ici, ça n’a pas été le cas. »
D’ailleurs dans MINDHUNTER, le comédien est parfaitement à l’aise et convaincant dans les très nombreuses scènes de sexe avec sa partenaire Hannah Gross, qui joue sa petite amie. À tel point qu’on se demande s’il existe des différences sensibles entre tourner une scène de sexe gay ou hétéro ?
« C’est une bonne question. Pour moi, c’est exactement la même chose. Ce sont simplement des scènes d’intimité, une forme de storytelling mais sans les mots. C’est pour ça que j’adore les tourner. On peut exprimer tellement de choses avec son corps. Dans MINDHUNTER, c’est une partie essentielle de mon personnage. Il est très inexpérimenté. Il est en pleine révélation sexuelle avec une fille au moment précis où il s’enferme en prison pour parler à des meurtriers psychopathes. Et au fil de la saison, ces conversations vont polluer sa vie sexuelle. »
Hollywood a changé
L’acteur en est persuadé, même si à bien des égards, l’industrie du cinéma doit se mettre en quête de moralité (l’affaire Harvey Weinstein en est le plus parfait et récent exemple), sur ce point précis de la perception de l’homosexualité des actrices et des acteurs, Hollywood a changé :
« Je me sens vraiment chanceux d’être un acteur gay en 2017. Je suis le produit de mon époque. Récemment, j’ai vu ce documentaire sur l’acteur Tab Hunter (« Tab Hunter Confidential », NDR). Le jour, il prétendait sortir avec Natalie Wood et le soir, il partait rejoindre son mec et elle le sien. Ça c’était une période vraiment horrible. Dieu merci, on n’en est plus là. »
La saison 1 de MINDHUNTER est disponible sur Netflix.
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