Depuis plus de 80 ans, la communauté naturiste de Héliopolis invente au fil des années une nouvelle manière de vivre vêtu du strict minimum. Ce vendredi 19 janvier, elle quitte son refuge de l’île du Levant pour venir s’installer au Silencio, à Paris. Retour sur l’histoire d’un lieu hors-norme.
Pour certains, l’île du Levant situé au sud de Hyères est avant tout connue pour héberger une base militaire. En effet, c’est là-bas que dans les années 50, l’armée s’est installée pour expérimenter de nouvelles technologies dans les méthodes de lancement de missiles. Mais à deux pas des roquettes et des torpilles, il n’est pas rare qu’un militaire croise un promeneur déambulant au milieu de l’île dans le plus simple appareil.
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Bien avant l’arrivée de la base militaire, le Levant était depuis déjà longtemps la terre d’accueil du village naturiste de Héliopolis. Fondée en 1931 par les docteurs Gaston et André Durville, cette communauté s’est construite dans le prolongement du mouvement naturiste né en Allemagne au sortir de la guerre. « Après 1918, beaucoup de gens étaient traumatisés. La Première Guerre Mondiale est aussi une des premières guerres industrielles, les corps ont donc été très meurtris, resitue Jean Da Silva, spécialiste de l’histoire de Héliopolis. Tout cela a a fait naître une volonté de rupture avec la vie industrielle et avec la ville. Il y avait une envie de régénérer l’Homme. »
Sur l’île du Levant, réputée pour son calme et ses couchers de soleil splendides, on voit alors débarquer une population désireuse de vivre autrement. Et surtout de vivre nu, dans une époque pas vraiment tolérante des principes du nudisme. Progressivement, le quotidien s’organise, de petits commerces se construisent et une association syndicale libre est mise en place pour administrer la communauté. Une autarcie qui déconnecte petit à petit les Levantins du reste du continent. « À Héliopolis, tout le monde se connaît. On se dit même bonjour en se faisant un bisou sur la bouche. Du coup, les Levantins parlent du continent comme d’un royaume d’extraterrestres. Quand ils vont sur le continent, ils rentrent tout bouleversés d’avoir vu tant de voitures et de gens qui ne se disent même pas bonjour, » rigole Chloé Garcin, élue Miss Levant 2017 lors du concours qui se tient chaque année sur la plage des Grottes.
L’Éden du Var
Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate en 1939, l’île du Levant est évacuée. Il faudra attendre 1947 pour que Héliopolis se repeuple. Mais la population n’est plus vraiment la même. Jean Da Silva rembobine : « Beaucoup d’artistes et d’écrivains sont venus s’installer, et c’est devenu très festif par rapport à l’éthique moraliste naturiste des débuts. Héliopolis est devenu une sorte de nouveau Saint-Tropez. C’est là que s’est formée l’image du Levant comme un Éden très libéral au niveau des mœurs. L’été il y avait même des bateaux de voyeurs qui venaient photographier les femmes nues. »
En vrac, on trouve alors sur place Guy Béart, Annie Girardot, Georges Moustaki ou le romancier Henri Vernes, inventeur du personnage de Bob Morane. Mais après Mai 68, les changements dans les mentalités entraînent un net déclin de la popularité du naturisme, que les jeunes générations perçoivent comme un peu ringard. Dans les années 70 et surtout 80, Héliopolis devient alors principalement une destination homosexuelle, avant que ne s’y installe dans les décennies suivantes une population plus aisée. « Aujourd’hui, c’est un endroit où peuvent se côtoyer des gens qui payent l’impôt sur la fortune et d’autres qui vivent du RSA. Tout ça dans un lieu où la vie n’a presque pas changé depuis les années 50, » reprend Jean Da Silva.
Héliopolis-sur-Seine
Fondateur du Festival international de Mode et de Photographie d’Hyères, Jean-Pierre Blanc est lui aussi un amoureux de l’île du Levant. Avec les membres de l’association culturelle NU2, il s’est penché sur l’activité artistique bouillonnante propre à Héliopolis. « Les Durville qui ont fondé le village étaient des gens en phase avec leur temps. L’aventure du cinéma et de la photographie les passionnaient et ils ont utilisé ces nouveaux médiums pour documenter ce qu’ils avaient fait à Héliopolis, » précise-t-il.
C’est pour montrer ces images et toutes celles qui ont suivi que se tient ce vendredi 19 janvier au Silencio à Paris une nuit spécialement dédiée au Levant. L’occasion de débattre sur l’histoire du naturisme à Héliopolis, de voir les premiers films tournés sur l’île, les photographies édéniques prises sur place au fil des années ou même d’assister à une performance de danse. Un peu comme si toute la communauté de Héliopolis venait s’installer dans un club branché de la capitale. Et c’est promis, malgré le froid de l’hiver, aucune tenue correcte ne sera exigée.
Soirée Héliopolis – Première Cité Naturiste, vendredi 19 janvier à 20h au Silencio (142 rue Montmartre, Paris IIe). Au cours de la soirée, une table ronde sera animée par Bernard Andrieu (Paris Descartes), Jean Da Silva (La Sorbonne), Jean-Pierre Blanc (Villa Noailles), Matthias Uhlmann (Université de Zurich) et Julien Claudé-Pénégry (Association des Naturistes de Paris ).
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