Un premier album platiné en France, une monstrueuse tournée mondiale et un public divisé : Woodkid n’aura laissé personne indifférent.
J’ai vécu une année intense : le changement de vie, l’exposition, les allers-retours entre New York où je vis et l’Europe… On ne s’attendait pas à vendre autant de disques en France, à être aussi bien reçus en Angleterre ou aux Etats-Unis. J’ai dû apprendre à déléguer. J’ai dû aussi m’habituer à voir ma tête dans les magazines. J’avais toujours eu envie du succès créatif, mais je ne m’attendais pas à être à ce point devant, à ce que ça soit moi et plus seulement mon travail qui soit jugé. J’ai dû donner deux mille interviews en un an, là où, en tant que réalisateur, on m’en avait réclamé vingt en dix ans de carrière. Woodkid, c’est tellement personnel que je ne peux pas me défiler. Quand je me retrouve sur un piédestal, c’est aussi angoissant que quand je me fais piétiner.
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L’album-miroir
C’est normal que l’album ait polarisé l’attention : tout en lui était agressif. Les gens ont lu le projet exactement tel qu’il est, avec toute sa maladresse, sa passion, son cœur, sa mégalomanie, son arrogance, son côté pompier. C’est ce que je suis.
Jeu de scène
Ça m’arrive souvent de me regarder. Je ne suis pas encore complètement rentré dans le jeu, j’ai gardé mon œil et ma distance de metteur en scène. Ça me protège, car j’ai d’autres projets, notamment un long métrage assez simple et discret, et je ne peux pas abandonner toute ma passion artistique à la seule musique. Je ne peux pas tout sacrifier pour cette drogue-là. Ça aide quand je me retrouve face à 50 000 personnes qui chantent mes chansons. Je n’oublie pas que mes premières amours d’artiste ne passent pas par mes oreilles, mais par mes yeux, qui ont vu et lu. C’est pour ça que j’ai commencé par la réalisation, l’illustration, le dessin. La musique s’est greffée dessus, comme un outil supplémentaire, comme la BO de mon travail. Le prochain album, s’il y en a un, sera peut-être simplement la BO de mon film.
Bosseur geek
Il y a un sentiment de culpabilité quand je suis sur la route, quand je ne suis pas 100 % créatif. J’ai abandonné les réseaux sociaux pour ne plus griller du temps, je préfère la scène pour parler aux gens. Ça évite des douleurs… Cela dit, je continue à passer ma vie sur mon ordinateur, c’est mon outil de travail, mon instrument, aussi doué pour le son que pour l’image. Je peux être très geek, mais je sais que mon ordinateur est mon esclave, et pas l’inverse.
Près du point critique
Je me suis fait très peur. Il y a eu un moment critique où on a failli tout arrêter – j’étais lessivé physiquement. Mon erreur, ça a été de me croire invincible. Je n’ai aucune limite avec le travail, je peux tout accepter, ne dire non à personne. J’ai exagéré mes capacités… Je faisais en même temps ma promo, la tournée, des morceaux avec Kanye West, la direction artistique de John Legend, un nouveau clip… Du coup, j’ai beaucoup changé au cours de 2013. Si je devais refaire l’album, il ne serait pas du tout sur les mêmes thématiques. J’ai appris sur les limites de mon ambition, de mon corps aussi… On parle souvent de l’estime de soi avec Kanye, à quel point ça peut être destructeur… Je ne suis plus dans l’envie de prouver, d’en rajouter.
Les moments forts
Le concert de Londres à la Roundhouse était énorme. Pour quelqu’un comme moi qui vénère la musique anglaise, être à ce point accepté, surtout quand on est français, ça donne beaucoup de confiance, de légitimité…
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