“Respecter ceux qui arrivent, respecter ceux qui accueillent.” L’islam ne vient pas d’arriver, comme le montre Slimane Zeghidour (journalist et essayiste) : elle fait partie de l’histoire de l’Europe depuis bien longtemps.
Slimane Zeghidour est Journaliste et essayiste, rédacteur en chef à TV5 Monde
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Par quelque bout que l’on prenne la question de l’islam en Europe, on aboutit à un seul et même constat : la religion de Mahomet fait désormais partie des visages, des paysages du Vieux Continent. Plus un débat sur l’identité sans qu’elle ne soit convoquée, pas une élection où elle ne soit agitée tel un épouvantail.
Le problème n’est pas que l’Europe a du mal à intégrer les musulmans qu’elle abrite mais plutôt qu’elle n’entend pas encore admettre la part d’islam de son histoire propre et, partant, de son identité historique. Depuis son arrivée par la péninsule Ibérique en 711, la foi de Mahomet n’a plus jamais quitté notre continent ne serait-ce qu’un quart d’heure. Faut-il rappeler qu’à la chute de Grenade, en 1492, les Turcs étaient déjà établis au Kosovo, les babouches dans l’Adriatique, depuis 1389, soit un peu plus d’un siècle ?
Onze parmi les vingt-sept pays qui composent l’Union – soit quasiment un sur deux ! – ont un passé musulman, arabo-berbère omeyyade ou turc ottoman : Portugal, Espagne, Italie (Sicile et Calabre), Serbie, Croatie, Hongrie, Malte, Grèce, Roumanie, Bulgarie, Chypre. Chacun d’entre eux en garde des traces, dans l’architecture – les hammams de Budapest, l’Alhambra de Grenade… –, la cuisine, le vocabulaire ainsi que bon lot de proverbes et, forcément, de préjugés antimusulmans.
Le brassage des hommes et des idées n’attendit pas les thuriféraires de la globalisation pour initier celle-ci. Un exemple ? Fatima, le prénom le plus vénéré dans l’islam, celui de la fille adorée de Mahomet et Mater dolorosa des chiites, n’est-il pas aussi le nom d’une ville du Portugal, un des hauts lieux saints des catholiques ? Plus près de nous, Habib Bourguiba, le père de la Tunisie moderne, ne descendait-il pas de Crétois, hauts fonctionnaires ottomans commis à Tunis ?
A cette “domination” musulmane sur l’Europe devait répondre une colonisation des pays d’islam par la chrétienté. Ainsi, au Maroc, l’Espagne s’empara-t-elle de Ceuta et de Melilla avant d’occuper le Rif et le Sahara occidental. La France étendit sa domination sur le Maghreb et l’Afrique noire avant d’instaurer un mandat sur le Liban et la Syrie, tandis que l’Italie occupa la Libye. L’Angleterre se rendit maîtresse de l’Inde puis du Proche-Orient, de Mossoul à Aden et du Caire à Bagdad. La Hollande, elle, s’installa en Indonésie et en transplanta des musulmans au Surinam, ce qui fera de ce pays l’un des seuls membres (avec le Guyana) de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) du continent américain.
Quasiment tous les musulmans auront ainsi vécu sous l’autorité des Européens, des générations durant. Une cohabitation bancale qui a engendré un véritable métissage, sinon des hommes, à tout le moins des usages et des cultures. Loin de couper net à cette cohabitation, la décolonisation l’a seulement transposée sur le sol de l’Europe. D’où les remous et empoignades qui se déroulent sous nos yeux. Il suffirait, pourtant, que les musulmans admettent la part de chrétienté qu’ils portent en eux, et que les chrétiens assument la part d’islam qui leur revient de plein droit… historique.
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