Il fait ses débuts derrière la caméra avec Yuki & Nina. Il parle de cette nouvelle expérience de mise en scène, de la gauche française, de Joann Sfar et des minarets en Suisse.
Vous coréalisez Yuki & Nina avec le Japonais Nobuhiro Suwa. Comment vous êtes-vous re-trouvé sur ce projet singulier ?
Suwa cherchait un acteur pour son précédent film, Un couple parfait. On s’était rencontrés, on avait pas mal discuté, on s’était bien entendus. Il avait finalement pris Bruno Todeschini, très bon choix. Il m’a recontacté pour ce projet. Coréaliser un film, avec un Japonais, qui ne parle pas bien le français… Génial ! J’ai dit oui tout de suite. C’était une chance inouïe de faire un truc ovniesque.
Cette expérience vous a-t-elle appris des choses sur le cinéma ?
Je n’avais jamais connu de mise en scène permettant à ce point-là l’improvisation. Grâce à Suwa, je me suis rendu compte qu’on pouvait faire des films ultralibres, sans tenir compte d’aucune règle. On tournait dans l’ordre chronologique, il n’y avait rien de programmatique. Ce processus permettait aux enfants acteurs de développer leur personnage de façon très naturelle. Faire ce film, c’était aussi vivre des choses, et peut-être que cela se voit à l’écran.
Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, on vit une période particulière en France : omniprésidence, crise de la gauche, sur fond de globalisation. Suivez-vous de près notre feuilleton politique national ?
Je me dis que la grande claque pour la gauche française, ça a été la démission de Jospin le 21 avril 2002. Un traumatisme pas encore accepté, compris et digéré. On sait que la politique est dégueulasse : c’est sale, il faut se battre… Jospin arrive, dit “J’suis pas comme ça, j’suis propre”, c’était du Capra. Il faut se remettre de cette défaite de Capra.
Comment refaire un film sur le bonheur après La vie est belle ?
Compliqué. C’est un peu ce que vit la gauche française. On ne se remet pas d’avoir été propre, d’être parti au combat sans gants lestés. Les gants en face étaient lestés et on s’est fait étaler.
Le débat sur l’identité nationale vous intéresse ?
C’est une question instrumentalisée et un débat passionnant en soi. Joann Sfar dit : “Je suis français, et ma patrie, c’est le musée du Louvre.” Belle image. Au Louvre, il y a le monde entier, il y a une idée derrière ce rassemblement d’œuvres. On ressemble aussi à l’image qu’on donne de soi et qu’on a de soi. La France est un pays souvent dans la pose, dans la conscience de son image. Notre identité nationale, ce ne sont peut-être que ces tableaux exposés dans le plus grand musée du monde ?
Les Suisses ont voté pour l’interdiction des minarets. Cela vous inspire quoi ?
La campagne de leur parti de droite a été ignoble. Regardez bien leur affiche (une femme en burqa, des minarets en forme de missile surplombant le drapeau suisse) : ça me rappelle les affiches de la Seconde Guerre mondiale. Ça, après l’arrestation de Polanski… Depuis qu’on a levé le secret bancaire, c’est le bordel en Suisse !
Vous suivrez le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique ?
L’enjeu politique est énorme, on est obligés d’attendre quelque chose de cette réunion. Certains disent ne rien attendre, mais beaucoup de gens craignent peut-être qu’il en sorte quelque chose. Si la Terre est un village de 100 habitants, un seul habitant possède une voiture, une télé et mange tous les jours. Alors s’il sort des mesures concrètes de ce sommet, oui, ça va bouleverser la vie quotidienne de cet habitant qu’est l’Occidental moyen.
Yuki & Nina d’Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa