Rencontre avec l’anglais Matthew Herbert, prodige de l’electro, quelques heures avant son concert en formation big band au Centre Pompidou à Paris. Où l’on en apprend un peu plus sur la notion de responsabilité en musique?
Après The Mechanics of destruction (2001), album de la révolte construit à partir de samples de cannettes de coca écrabouillées, de bouffe Mac Do et de Nike maltraitées, Matthew Herbert, producteur anglais prolixe et inspiré (également connu sous le nom de Herbert, Doctor Rockit ou encore Radio Boy) revisite le jazz des années 40 avec Goodbye Swingtime, album enregistré à l’aide d’un big-band de 20 musiciens. Quelques heures avant son impressionnant et très attendu concert au Centre Pompidou, attablée au premier étage du très chic café de Flore (qui lui inspira en 2001 un tube house nostalgique sur fond d’accordéon), la nouvelle coqueluche arty, visiblement rompue (where is my brain ? se demandera-t-il tout au long de l’entretien) s’explique sur la dimension politique son nouveau projet.
Pourquoi avoir choisi de former un big band ? C’était un rêve d’enfant ?
Ca aurait pu en être un, parce qu’effectivement je jouais dans un big band quand j’avais 14 ans, mais au final je dirais que non. C’est quelque chose qui est arrivé par hasard et qui est devenu un challenge amusant : parvenir à faire quelque chose en communauté, loin de la musique électronique, le plus souvent pensée et produite par une seule personne.
C’est l’idée de communauté qui vous séduisait dans le big band ?
Oui. Proposer une solution collective. Dans un Big Band chacun est égal, se vaut, le premier saxo avec la trompette, avec le piano Chacun a besoin de l’autre pour travailler. Dans le disque il y a une nostalgie, non pour le swing ou le jazz des années 40 dont je peux très bien me passer, mais au contraire pour cette époque, où chaque note était pensée, où chacun avait une compétence, une utilité. Avec le big band, je voulais créer un modèle authentique et politiquement positif, moins violent et négatif que ne l’était The Mechanics of Destruction, mon précédent album.
Vous avez crée votre propre dogme PCCOM (Personal Contract for the Composition Of Music), un code de conduite qui interdit entre autres de sampler le morceau d’autrui. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Ce code, je l’ai d’abord fait pour moi, pour, ne pas sombrer dans la facilité. Je veux être le plus original possible donc je dois commencer avec des choses originales au sens propre, faire tout moi-même. La technologie dans l’industrie musicale nous tire vraiment dans une direction précise : avec les programmes dont on dispose, c’est très facile Je peux faire un titre de house en moins 10 minutes.
Mais pourquoi refuser de sampler ?
Ma musique est le seul lieu, la seule sphère dans laquelle je puisse avoir vraiment le choix. Sur ce disque il y a plus de 300 enregistrements et je peux dire que je peux me porter responsable de chacun d’eux. Chaque son a une raison d’être là. Et pour moi l’idée de responsabilité est fondamentale dans notre société dans laquelle il y a une distance totale entre l’endroit où l’on consomme quelque chose et son lieu de production. Des gamins en Asie fabriquent des chaussures pour les occidentaux Alors même si c’est une utopie, c’est important pour moi de pouvoir dire ce son a été produit ici, à ce moment.
Pour vous sampler, avoir accès à la musique d’autrui ne peux en aucun cas être une source de liberté ?
Pour moi la liberté de sampler la musique des autres, c’est comme consommer. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, on ne devrait pas pouvoir le faire. Tout comme on ne devrait pas pouvoir acheter des fraises toute l’année mais seulement quand elles sont fraîches. Quand vous commencez à sampler, vous faites des chansons, commencez à gagnez de l’argent. Dès que vous entrez dans ce processus, vous n’êtes plus libre du tout. Alors non, ce n’est pas une liberté, c’est faire du profit sur le dos de quelqu’un d’autre. C’est de l’oppression ou disons’ de la consommation.
Nouvel album : The Matthew Herbert Big Band – Goodbye Swingtime
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