Le dernier volume de la tétralogie d’Elena Ferrante paraîtra le 18 janvier. Et si cette immense saga romanesque qui a connu un énorme succès n’était qu’une très longue bouffée paranoïaque déguisée en “amitié féminine” ?
Le 18 janvier paraîtra le quatrième et dernier volume de la saga romanesque d’Elena Ferrante, L’Amie prodigieuse. Intitulé L’Enfant perdue, sous-titré “Maturité, vieillesse”, ce dernier roman met à nouveau en scène les deux amies, Lila et Lena (alias Elena Greco) sur fond de Naples mafieux et d’Italie en crise.
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A la fin du volume précédent, où les deux amies traversaient les années 1960 et 1970, la montée de l’extrême gauche, du terrorisme et la révolution sexuelle, Lena devenait un écrivain à succès, puis s’émancipait de son mari, de sa famille bourgeoise, pour fuir avec le beau Nino, son fantasme secret, et l’ex-amour bien réel de son amie Lila. Au début de L’Enfant perdue, on la retrouve en plein divorce, et en perte de vitesse littéraire, puis réinstallée à Naples après sa rupture avec Nino, enfin cherchant à dénoncer une famille mafieuse avec Lila.
Une autobiographie cachée ?
On ne racontera pas tout le roman par respect pour les fans – et ils sont nombreux – d’Elena Ferrante. Née en 1943 à Naples, celle qui s’appellerait en fait Ana Rajita, traductrice et éditrice italienne, a toujours joué de l’ambiguïté entre sa narratrice et elle-même, suggérant dans les très rares interviews qu’elle a accordées – toujours par emails – que sa fiction pourrait bien être une autobiographie.
Plus que jamais, dans cet opus final, elle lève le voile et livre les clés de toute sa saga : oui, il est fort probable que la Lena de L’Amie prodigieuse, ce soit elle. La preuve : à la fin, vieillissante, Lena écrit elle-même une série romanesque intitulée Une amitié, qui obtiendra un immense succès.
Mortel ennui
Tout ce qui vient avant le dernier chapitre en forme d’épilogue intitulé “Restitutions” – soit 540 pages ! – est d’un ennui mortel. Non seulement parce que l’écriture d’Elena Ferrante, toujours d’un classicisme peu innovant, semble s’être bloquée sur un mode croisière ronronnant, mais aussi parce qu’il est ici davantage questions des atermoiements intérieurs d’une narratrice autocentrée plus que des soubresauts de l’Italie, qui semblent n’être plus que de vagues prétextes pour justifier ce qui ne serait, au final, qu’une vaste entreprise paranoïaque.
Car ce que dévoile de plus triste ce dernier volume, c’est peut-être combien, à défaut d’amitié, c’est de haine dont il est question dans L’Amie prodigieuse. Lena doute sans cesse de Lila, s’en méfie, la soupçonne de vouloir lui reprendre Nino, la jalouse constamment, la présente comme une calculatrice et une manipulatrice, et vers la fin, parce que cette pauvre Lila passe beaucoup de temps à son ordinateur, la soupçonne d’écrire un roman qui surpassera tous les siens. Vous appelez ça de l’amitié ?
Si ce dernier volume a une vertu, c’est de nous faire réaliser que Lila n’aura été restituée dans les romans précédents que par le prisme du discours de Lena. Et si celle-ci avait tort ? Car l’un des échecs du livre est de nous faire douter de la narratrice elle-même, tant celle-ci est travaillée par une angoisse sourde, un manque de confiance, dès que Lila l’approche. Alors que tous les actes de Lila nous semblent, à nous lecteurs, inoffensifs. Et si toute la saga L’Amie prodigieuse n’était qu’une très longue bouffée paranoïaque déguisée en “amitié féminine”, cette formule que les défenseurs d’Elena Ferrante brandissent dès qu’on ose critiquer l’auteur ? Pour ceux qui ont envie d’Italie et de littérature, on conseillera plutôt de lire ou de relire les romans d’Elsa Morante.
Elena Ferrante : L’Enfant perdue. L’Amie prodigieuse IV (Gallimard). Traduit de l’Italien par Elsa Damien. 550 p. En librairie le 18 janvier.
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