Cinq personnalités expliquent leur engagement dans le collectif.
Michel Rocard ancien Premier ministre
« Le collectif Roosevelt 2012 est la création de Pierre Larrouturou. Non seulement je l’ai rejoint immédiatement mais je crois même figurer parmi les cofondateurs. La raison en est simple : j’ai la conviction depuis quatre ou cinq ans que nous sommes entrés dans une crise économique et financière mondiale d’une extrême gravité, amplifée par une crise écologique aussi grave qui transforme radicalement les conditions et les moyens de lutte et de protection.
Devant cette situation, les sciences humaines compétentes se sont effondrées et n’ont rien vu venir, les « sachant » se taisent ou à peu près, les politiques paniquent et n’ont pas de solution, les processus de décision en cours n’aboutissent qu’à des mesures mineures. Cela aggrave plutôt les choses.
Il est donc de première importance et de première urgence de mettre en question et de diffuser dans le public le savoir et l’information sur les crises, d’imaginer et de préciser des réponses pragmatiques puissantes et non dogmatiques à ces menaces, et enfin de pousser les pouvoirs publics à décider avec audace en se passant du consensus du monde bancaire qui nous a amenés à cette crise. C’est ce que Roosevelt avait su faire en 1933. Il demeure le seul exemple à la mesure du problème. »
Bruno Gaccio auteur, humoriste, producteur de télé
“Pourquoi je soutiens et participe à Roosevelt 2012 ? La question m’est souvent posée par mes amis désabusés. Politiquement revenus de tout, ils ne souhaitent aller nulle part. J’ai personnellement cette tentation aussi. A quoi bon me dis-je ? Et puis Pierre Larrouturou, c’est quoi ce nom ? Pourtant nous avons sans doute un destin plus exaltant que celui de bovins contemplateurs de trains qui passent. Surtout qu’ils passent de plus en plus vite.
Roosevelt 2012 c’est bien sûr quinze mesures concrètes et financées mais c’est surtout une logique. Nous avons changé de Président, ça ne servira à rien si nous ne changeons pas de logique. Nous avons peu de temps. Quelques mois avant que ne s’englue dans la politique du calcul cet espoir si mince né au mois de juin. Quelques mois pour inverser le cours suicidaire de l’histoire européenne. Une image simple que j’utilise souvent : quand on veut aller de Paris à Marseille et que sur l’autoroute on voit de plus en plus de panneaux “Lille-Bruxelles” c’est que nous ne sommes pas dans la bonne direction. Il ne sert à rien de ralentir, nous irions simplement moins vite au mauvais endroit : il faut faire demi-tour.
Aujourd’hui, tout le monde a bien conscience que la finance, livrée à elle-même, s’autosatisfaisant en s’autonotant dans un onanisme financier des plus pervers nous emmène au mauvais endroit. Les sommets européens de la dernière chance – on doit en être à vingt – ne font que ralentir la marche vers l’inéluctable effondrement du système.
Roosevelt en 1933, même si la situation n’est pas identique, a eu le courage d’aller contre les idées reçues et les lobbies bancaires, d’aller contre le fameux “mais on ne peut rien faire mon pauv’ vieux”. Il a séparé les activités de dépôt et de spéculation dans les banques en cinq jours. Bien sûr les banquiers ont fait la gueule. Il a tenu, sur ce sujet et sur d’autres. Son New Deal, même imparfait, a tenu cinquante ans. Puis le libéralisme, cette version porno du capitalisme, a tout sali. Aujourd’hui, il faut réinventer un contrat social. Pour ça, il faut du courage politique. De la créativité. Il faut oser.
Voilà pourquoi je participe modestement à Roosevelt 2012 – je sers juste de tête de gondole de temps à autre – pour aider François Hollande et Jean-Marc Ayrault à exprimer ce courage qu’ils portent – j’en suis presque sûr, en tous cas je l’espère, au pire je le souhaite – en eux.”
Valentine Umansky membre de Génération précaire et de Jeudi noir
“Le mouvement Génération précaire est né d’un appel à la grève spontané et diffusé sur internet, début septembre 2005, en réponse à l’existence d’une masse silencieuse, un véritable sous-salariat sans aucun droit et surtout sans parole : les stagiaires. Depuis sept ans, nous interpellons les pouvoirs publics sur la nécessité d’instaurer une rémunération minimum, progressive et sur laquelle seront prélevées toutes les cotisations sociales en vigueur pour ces jeunes de 18 à 30 ans, sur l’urgence d’une revalorisation de l’apprentissage, sur l’importance des questions d’insertion des jeunes dans l’entreprise. Force est de constater qu’en juillet 2012, beaucoup reste à faire.
Non sans oublier notre grande déception quant à l’implication des pouvoirs publics pendant les sept dernières années sur ces questions sociales, économiques et sociétales, nous avons décidé de rejoindre, en groupe, le collectif Roosevelt 2012 afin de continuer le lobbying engagé, avec pour objectif d’améliorer les conditions de vie des précaires, et pour accélérer ce processus face à une nouvelle majorité qui a les cartes en main pour agir.”
Patrick Pelloux président de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France et chroniqueur à Charlie hebdo
“S’engager dans le mouvement Roosevelt 2012, c’est montrer de l’audace et aussi que l’on ne se satisfera pas de la seule victoire de la gauche. Nous sommes à un tournant de la civilisation, la fameuse croisée des chemins. La santé a besoin d’être défendue : il faut mieux rembourser les soins, en faciliter l’accès, mener une politique de solidarité. De tous les pays riches, les Français sont ceux qui paient le plus de cotisations sociales et qui sont le moins bien remboursés. En dix ans, nous sommes passés de la septième à la vingtième place en Europe sur la politique de périnatalité ; l’Allemagne présente 1,2 professionnel de santé par personne âgée dépendante et la France seulement 0,6 ; les fonds de pension et d’investissement étrangers se font des fortunes sur le dos des vieux et des familles dans les maisons de retraite… Les exemples sont nombreux.
Il faudrait dire aussi la nécessité de travailler sur la prévention dans les médecines du travail, carcérale et scolaire, le besoin de changement d’organisation des urgences… La tâche est rude mais en trois mois le changement politique est possible. On ne peut qu’être indigné par ces inégalités, par les neuf millions de personnes qui vivent en-dessous du niveau de pauvreté et ont des difficultés d’accès aux soins.
Moderniser le système de santé, réaffirmer les valeurs humanistes et celles du service public : voilà des enjeux majeurs. La crise va briser des vies et nous ne devons pas abandonner les laissés-pour-compte. Enfin, nous devons être un exemple pour le monde. Aux Etats-Unis, la loi sur la protection sociale, dite Obama, validée par la Cour suprême, montre que les valeurs du Conseil national de la Résistance (CNR) ont inspiré l’évolution sociale d’un pays qui incarne un capitalisme aveugle et sourd à la crise. Nos espérances représentent une énergie pour proposer, discuter et créer des lois nouvelles, pour bâtir une société républicaine, humaniste et donc nouvelle elle aussi. Nous devons y croire et le faire, ensemble. Roosevelt est à tout le monde.”
Roland Gori psychanalyste, initiateur de L’Appel des appels
“Je me suis engagé dans le collectif Roosevelt 2012 sur la base de ses analyses économiques et sociales, de sa volonté de restituer au champ du politique les prérogatives qui devraient être les siennes en matière de gouvernance des Etats et que les politiques néolibérales lui ont confisquées. Les analyses de Pierre Larrouturou montrent que les déficits publics sont la conséquence de ces politiques qui conduisent les Etats, comme les particuliers, à toujours plus s’endetter pour compenser le manque à gagner généré par le transfert des revenus des salariés vers les actionnaires.
Traiter cette “folie néolibérale” requiert de l’audace : il faut faire reposer la stabilité économique et la paix dans le monde sur la justice sociale, brider les pouvoirs de la Finance par des dispositifs de régulation.
Nous sommes devant un choix de civilisation, un choix anthropologique : l’humain ou l’argent. Roosevelt 2012 invite les hommes politiques à ne plus être les simples fondés de pouvoir des marchés financiers, à prendre leurs responsabilités. Il propose des solutions audacieuses, simples et concrètes à adopter d’urgence. Faute de quoi nous risquons d’entrer dans l’avenir à reculons en laissant perpétrer, par une administration purement technique et comptable de l’homme et de la nature, des crimes de civilisation qui minent la confiance des peuples et les disposent au pire.”