Toujours paumée quelque part sur une plage désolée de Nouvelle Angleterre, toujours givrée par les vents saisissant d’un spleen sublime, la maison de Victoria Legrand et Alex Scally a tranquillement évolué, sans secousses ni destructions.
Beach House reste Beach House : ses mélodies, comme le bois exposé un siècle au sel de mers froides, restent érodées par l’iode, vacillent lentement dans les algues molles. Victoria, qui porte bien son nom victorien, déverse toujours ses rêveries tordues avec ce chant obsédant de sirène vacharde, entre rigidité de l’iceberg et la beauté de dentelle d’un flocon de neige. C’est donc toujours, comme sur les précédents Beach House puis Devotion, absolument magnifique.
Mais on sent le duo de Baltimore, album après album, entrouvrir quelques fenêtres, offrir ses morceaux à la lumière. Pas encore à la pleine chaleur -ça viendra peut-être avec le déchirement définitif de la couche d’ozone. On est pas encore à Copacabana, les cocotiers n’y poussent pas vraiment dru et Teen Dream reste un album d’hiver, ou d’automne, ou d’entre les deux. Mais entre les averses, quelques arcs-en-ciel, ou les vitraux de l’Eglise perdue dans laquelle ils les ont enregistrées, donnent des reflets plus colorés à des chansons autrefois beaucoup plus blêmes.
Sans luxuriance malvenue, les instrumentations se font ainsi légèrement plus présentes, les entrelacs et rythmes plus complexes, les morceaux plus brillants. Et encore plus beaux -il fallait le faire. Entre la cristalline ouverture Zebra et la très belle clôture Take Care, on découvre un Beach House qui ose un peu plus qu’il n’a jamais osé (l’obsédante Better Times), parfois proche d’une version arctique et minimale des Cocteau Twins ou de My Bloody Valentine (10 Mile Stereo, le chancelant single Norway, à télécharger ici). On découvre un duo qui a trouvé la force de se réinventer en timide perce-neige : prochaine étape, le printemps.
Album : Teen Dream (Bella Union/Cooperative Music)