Cette série britannique, disponible sur Netflix depuis le 5 janvier, décrit en seulement huit épisodes de vingt minutes la fugue de deux adolescent.e.s torturé.e.s et étranges. Mais qui ne croisent sur les routes que des adultes tour à tour retors, inquiétants ou toxiques. Un humour noir glaçant traverse le récit, sans que jamais la série ne tombe dans le piège du cynisme ricanant. Une attachante réussite.
“Je m’appelle James, j’ai 17 ans et je suis presque sûr d’être un psychopathe.” C’est ainsi que se présente le héros de The End of the F***ing World, dernière bizarrerie britannique débarquée sur Netflix le 5 janvier après avoir été diffusée outre-manche en 2017. A priori James paraît plutôt lucide. Entre son goût pour l’auto-mutilation, son désir à peine refoulé de cogner sauvagement son père et sa propension à tuer des animaux de compagnie, l’ado au regard de glace et au visage impavide a tout du psychopathe en herbe.
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Rien d’étonnant à ce qu’il attire l’attention d’Alyssa, une autre ado de 17 ans qui trimbale avec elle un spleen abyssal et une moue éternellement désabusée. Après de froides présentations, les deux jeunes gens décident de sortir ensemble. Le premier y voit l’occasion d’assouvir une pulsion meurtrière (il rêve de tuer plus gros gibier que le chat des voisins), la seconde d’étancher un appétit sexuel vorace.
Si leur romance semble initialement froidement calculée, elle prendra une dimension plus lumineuse après que les deux tourtereaux décident de fuguer de la banlieue bourgeoise dans laquelle ils végètent. A mesure qu’ils distancent leurs foyers dysfonctionnels (Alyssa vit avec un beau-père aux mains baladeuses et une mère complètement paumée ; James avec un père terrassé par le suicide de sa femme) les deux ados vont se livrer leurs fêlures respectives et entreprendre une idylle plus fougueuse et sauvage qu’escomptée.
L’adolescence tourmentée contre la placidité du monde des adultes
On aurait pu craindre, au vu de ce pitch impudent et désenchanté, que la série, teintée d’humour noir, s’embourbe dans une logique gore inconsistante avec pour seule défense face à une perversité crasse, un cynisme à toute épreuve. Pourtant, son jeune créateur Jonathan Entwistle mène bien sa barque, et lorsqu’intervient à la mi-saison un climax sanglant dont on ne dira rien, la série gagne en intensité, mais aussi en profondeur. Là où d’autres productions britanniques ont parfois la fâcheuse tendance à montrer la violence avec un ricanement désabusé, The End of the F***ing World utilise le levier gore et ultraviolent pour mettre en branle les émotions de ses personnages, et questionner leur moralité.
Contraints à la cavale, Alyssa et James sillonnent la campagne anglaise dans une voiture volée, squattant une riche maison de campagne par-ci, braquant une station service par-là. Sorte de Bonnie and Clyde modèle réduit, le couple oppose à l’absurdité et à la placidité du monde des adultes un rêve libertaire violent, parfois sanglant, en forme de paroxysme de leur adolescence tourmentée. C’est que la plupart des adultes qu’ils croisent sur leur route sont de bien piètres exemples. Parents démissionnaires, figures tutélaires désavouées, pervers sexuels notoires et pédophiles en puissance semblent peupler un monde moderne en perte de repères.
Une rom com endiablée
Adaptation d’un roman graphique de 2011 signé Charles S. Forman, la série en 8 épisodes bénéficie d’une mise en scène léchée qui rappelle parfois l’esthétique pop d’Utopia, autre série britannique. Emmenée par une bande son réjouissante (on entend notamment la douce ritournelle de Voilà de Françoise Hardy), portée par ses deux jeunes acteurs, Jessica Barden (aperçue dans The Lobster) et Alex Lawter (vu dans la saison 3 de Black Mirror), The End of the F***ing World constitue une excellente cuvée Netflix, à mi-chemin entre rom com endiablée et road movie teenage. On regrettera toutefois le finale un peu téléphoné de cette première saison qui en appelle nécessairement une seconde.
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